McKinsey vient de publier un rapport qui a été présenté dans le cadre du salon de Bruxelles, à l'initiative de l'ACEA qui a y apporté sa contribution (ainsi que le CLEPA et la FIA). Intitulé "Race for 2050, a vision for the automotive industry", il préconise des pistes pour passer à une industrie de la mobilité avec une diversité de solutions qui permettrait à l'Europe de rivaliser avec les géants américains du numérique dans le véhicule autonome, mais aussi d'exister face à la domination chinoise sur l'électrique avec un portefeuille plus global. Tout cela passe par des coopérations entre industries et avec les villes. Le rapport préconise de monter un certain nombre de clusters, dont une "Mobility Valley" qui serait une réponse à la Silicon Valley avec une approche plus holistique des déplacements.
C'est en anglais, il y a 45 pages, mais ce rapport est plus intéressant que les blogs -12.0 qui vantent les mérites d'Apple et Google en les présentant comme les vainqueurs d'un match qui n'a pas encore commencé. Elaboré par le centre de la mobilité future de McKinsey, par des consultants basés en Europe, il rappelle d'abord que l'industrie auto de ce continent a réalisé des progrès phénoménaux. On apprend ainsi que les accidents de la route ont baissé de 42 % depuis 2005, que les émissions de NOx ont baissé de 90 % par rapport à 1990 sur les nouveaux véhicules (95 % sur les utilitaires) et le bruit de 90 % depuis 1970. L'industrie auto européenne investit 50 milliards par an en R&D.
Malmenée par une concurrence plus féroce, l'Europe n'est cependant plus le centre du monde. C'est désormais en Asie que ça se passe, et notamment en Chine où on dénombre déjà plus de 60 marques de véhicules électriques. Bénéficiant du soutien de l'Etat, qui investit en parallèle dans l'infrastructure de recharge, ces industriels vont être durs à battre. Et il y a aussi ces GAFA qu'on ne présente plus qui pourraient dépenser des milliards pour lancer de nouveaux véhicules n'ayant pas l'obligation d'être rentables.
En Europe, les acteurs essaient de se préparer aux défis à venir. Ainsi, 80 % des constructeurs planchent sur le véhicule autonome et 40 % des modèles lancés en 2021 auront une motorisation partiellement ou totalement électrique. Il faut aussi savoir que 55 milliards d'euros ont été investis en Europe dans des start-up de mobilité partagée.
Le rapport de McKinsey préconise d'aller plus loin. Il incite l'Europe à se doter d'un plan d'ici 2050 pour reprendre le leadership, avec une industrie de la mobilité qui contribue à la fois à la société, à la planète et à l'économie.
L'Europe affiche par exemple une vision zéro accident de la route en 2050, une mobilité zéro émission en ville et un trafic réduit de 20 à 30 % grâce aux véhicules autonomes partagés.
Sur les motorisations, le rapport de McKinsey suggère d'avoir une diversité de solutions techniques : de l'électrique et de l'hydrogène pour les voitures, utilitaires et bus, mais aussi des motorisations hybrides, voire thermiques dès lors que le carburant est neutre sur un plan carbone (carburants de synthèse ou issus de la biomasse), avec du Diesel (hé oui, mais plutôt du e-Diesel) et même du gaz naturel. Ces dernières seraient utilisées par exemple en milieu rural.
S'agissant de la technologie, le rapport évoque de nombreux acteurs de classe mondiale et qui jouent un rôle de leader. Des champions cachés, écrit McKinsey. C'est en Europe que sont déposés 60 % des brevets concernant le véhicule autonome. D'autre part, des villes comme Paris, Londres et Berlin - où les mobilités évoluent très vite - pourraient demain proposer des services de mobilité de porte à porte combinant le véhicule automatisé, ainsi que des modes partagés basés sur l'électrique.
Il faut attendre la page 30 du rapport pour en venir à l'essentiel : les nouveaux modes d'organisation. McKinsey propose en fait de créer 5 clusters :
- Une vallée de la mobilité (en s'appuyant sur l'excellence des universités européennes, les start-up et en développant des fonds en mode public-privé pour faire émerger de futurs champions)
- Une approche synchronisée de la décarbonation des transports (une transition progressive vers l'électrification pour laisser le temps aux automobilistes de s'habituer, une approche holistique sur le CO2 du puits à la roue, une roadmap claire pour les technologies et sans parti pris)
- De nouvelles formes de coopérations et d'alliances (plus de standardisation entre industriels sur les capteurs et le soft pour le véhicule autonome afin de réduire les coûts, la création de méga bases de données partagées, une réflexion commune sur l'infrastructure requise pour les véhicules automatisés, tests en commun et à large échelle)
- Un forum de régulation sur la mobilité du futur (une réflexion commune sur la protection des données, la sécurité, l'économie circulaire, les émissions en associant des acteurs comme les assureurs et les sous-traitants sur des sujets sensibles comme la batterie)
- Un support des villes et des territoires pour les solutions de mobilité (une réflexion globale sur les services à développer en accord avec les décideurs publics, en n'oubliant pas les habitants de zone rurale qui représentent 25 % de la population en Europe).