mardi 9 février 2010

Les constructeurs sont-ils les mieux placés pour la voiture électrique ?

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La question peut paraître déplacée... Pourtant, elle ne l'est pas vraiment. Si l'on en croit les communiqués triomphants et les campagnes menées entre autres sur les réseaux sociaux (You Tube, Facebook, Twitter), l'industrie automobile promet des véhicules électriques par millions (du moins certaines marques) et un monde meilleur. Tout le monde s'y met, même Saab comme on peut le voir sur cette photo avec cette 9-3 ZE. Le constructeur suédois a monté une coalition en Suède avec le fabricant de batteries Boston Power, le fabricant de moteurs électriques Electroengine AB, Innovatum Technology Park et Power Circle (une association suédoise du business de l'énergie électrique). Mais, les constructeurs classiques évoluent sur un marché où ils ne sont pas en position de force et pourraient rencontrer sur leur route des challengers provenant d'autres horizons et d'autres pays.


Nissan Leaf Detroit 2010

Les constructeurs ont un problème congénital : ils ne savent faire que de gros volumes (exception faite de quelques marques de très haut de gamme) et leur savoir-faire repose sur le moteur. On l'oublie trop souvent, mais l'industrie automobile est très mécanique. C'est pour cela que les marques sont obligées d'aller chercher des compétences à l'extérieur (Volkswagen a embauché un ponte de Continental, Karl-Thomas Neumann en tant que chargé de mission pour l'électro-mobilité auprès du PDG), à quelques rares exceptions près (Nissan et Mitsubishi, qui ont acquis la compétence en interne, ou Ford qui a nommé sa directrice du développement durable, Nancy Goia, à la tête du nouveau département Global Electrification) et qu'elles doivent assurer des formations accélérées pour les ingénieurs (c'est en cours chez Ford) et pour leur réseau (pour le moment, rien n'est fait). En vérité, l'avénement programmé de la voiture électrique est l'occasion de rebattre les cartes. On le voit déjà à travers des rapprochements (PSA-Mitsubishi, Daimler-Tesla) et des partenariats avec les fabricants de batteries qui sont pour la plupart asiatiques.

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Alors, qui peut rivaliser avec les constructeurs classiques sur ce nouveau terrain du véhicule électrique ? BYD est un challenger potentiel. Cet ancien fabricant de téléphones portables, spécialisé dans les batteries au lithium et qui veut devenir un acteur majeur de l'automobile, a les capacités pour y arriver. Le slogan "build your dreams" est en soi tout un programme et on sait que la Chine a une carte à jouer dans l'électrique. Dans une certaine mesure, Tesla peut aussi devenir un compétiteur. Il est plutôt positionné haut de gamme, mais un modèle plus abordable est attendu pour 2012. En fait, le secteur de la voiture électrique donne sa chance à d'autres acteurs, tels que Think, Reva, ou d'autres encore. Personne ne sait comment le public va accueillir les premiers modèles (forcément décevants) et je pense que les concessionnaires auto ne sont pas capables de vendre de la voiture électrique. Ils ont déjà connu l'échec (dernier exemple en date, Renault dont le Kangoo Elect'road électrique et à prolongateur d'autonomie a fait un four en 2003) et je ne vois pas comment ils pourraient faire mieux. Il y a peut être de la place pour des constructeurs différents, qui utilisent le web et qui pourraient offrir un service de proximité.

Bluecar

Et en France, me direz-vous ? Disons-le tout de suite, je ne vois aucun grand challenger français. Dassault a dû revendre ses parts de SVE (Société des Véhicules Electriques) au groupe Dow-Kokam et Heuliez ne jouera pas un rôle majeur, malgré une expérience indéniable dans l'électrique. Ce n'est pas la Friendly qui va susciter l'enthousiasme des foules... La surprise pourrait peut-être venir de Bolloré. L'industriel breton développe ses propres batteries lithium-métal-polymère et il a les moyens de ses ambitions. Mais, la disparition tragique d'Andrea Pininfarina, le patron de l'entreprise éponyme avec qui il produit la voiture, semble avoir eu des répercussions. Quoi qu'il en soit, la voiture devrait être lancée si tout va bien dans le courant de l'année dans plusieurs pays dont la France, et pour un loyer de 330 € par mois.

f-city

Il ne faut pas oublier non plus les constructeurs de "niche". Méga et Ligier auront leur mot à dire pour des voitures électriques, avec ou sans permis, et tant d'autres qui ont des projets (Tilter, Micro, Rainbow System, Lumeneo...). J'aimerais également dire un mot de FAM Automobiles, un constructeur et transformateur de voitures, établi près de Belfort. Cet acteur a conçu la F-City, une voiture électrique destinée à la location en auto-partage. Elle vient d'être homologuée au niveau européen et peut donc être vendue partout sur le continent. C'est une bonne nouvelle pour le pôle Véhicule du Futur qui a soutenu le projet. 500 exemplaires doivent prendre la route cette année, auprès de collectivités, de sociétés et de particuliers. En attendant Autolib' à Paris et ses véhicules électriques, qui aideront les parisiens à se familiariser avec cette nouvelle forme d'énergie, le véhicule tourne déjà à Antibes en libre-service.
Pour terminer, vous me permettrez cette formule qui pourrait conclure (provisoirement) cette analyse sur la place des constructeurs auto traditionnels sur le marché de l'électrique : "ce n'est pas un fabricant de machine à écrire qui a inventé l'ordinateur" (source : Régis Coat, d'Exid Assistance aux projets, qui a pour projet le véhicule Micron).
Qu'on se le dise !