jeudi 2 avril 2015

Super bonus, diesel : les blagues et tacles du 1er avril

Avec un sens du timing qui force le respect, Ségolène Royal a donc fait appliquer le super bonus au 1er avril. Rappelons qu'il s'agit d'une prime supplémentaire de 3700 € qui vient s'ajouter aux 6300 € de bonus pour l'achat d'une voiture électrique*, et de 2500 € pour l'achat d'un véhicule hybride rechargeable (entre 21 et 60 g de CO2) qui donne déjà droit à 4000 €, soit une aide globale de respectivement 10000 et 6500 €, à condition de mettre à la casse un véhicule diesel immatriculé avant janvier 2001. Ce même dispositif prévoit aussi une prime de 500 € pour les ménages non imposables qui seraient tentés d'acheter un véhicule Euro 6. Des mesures qui ne vont pas avoir un impact massif, loin de là, et qui sont même moquées par les spécialistes.


J'étais hier au CCFA (Comité des Constructeurs Français d'Automobiles), qui a profité de sa traditionnelle conférence de presse mensuelle sur les chiffres du marché pour commenter le super bonus et parler ensuite du diesel. J'y reviendrai.

Le président de cet organisme, Patrick Blain, a dit que la mesure "va dans le bon sens". Mais, il pense que l'impact sera très limité. "Est-ce une mesure pour les riches ?", a demandé une consoeur de l'Automobile Magazine ? Il est vrai qu'on imagine assez mal des automobilistes qui roulent dans de (très) vieilles voitures), et qu'on devine désargentés, investir dans de l'électrique neuf. Beaucoup de bruit pour rien ?, se demande par exemple Auto Plus.


Et pourtant, Renault a décidé de rebondir sur le super bonus, en faisant une offre à 99 € par mois pour la Zoé, sous conditions de reprise. Le directeur commercial France de la marque, Philippe Buros, espère que l'offre va faire bouger le marché. Renault revendique une part de marché de 54 %  auprès des particuliers, grâce à la Zoé dont il est vendu trois fois plus d'exemplaires en mars. A noter que Nissan avait déjà lancé une offre avec 10 000 € d'avantages* sur sa gamme électrique, il y a quelques mois.

Le CCFA a précisé qu'il est s'est vendu 2878 voitures électriques au premier trimestre.


Revenons sur le diesel, qui est justement plus taxé depuis aujourd'hui (+ 2,4 centimes d'euro sur le litre de gazole). Le CCFA a voulu prendre la parole pour commenter un certain nombre d'épisodes, dont le plan de la ville de Paris pour éradiquer le diesel d'ici 2020, l'épisode de pollution qui a duré une bonne semaine sur la capitale et... la fiscalité. A ce propos, les constructeurs français ont voulu tordre le cou à la fameuse exception française sur le diesel. L'écart entre le prix du litre de super et de gazole est légèrement en-dessous de la moyenne européenne (15 centimes, contre 15,5 dans les 15 plus grands pays). Pour info, l'Allemagne est à 18 cts, la Belgique à 19 cts, le Portugal à 22 cts, les Pays-Bas à 28 cts et la Grèce à 34 cts. Et en Angleterre, où il n'y a pas de différence de taxes, le diesel voit les ventes augmenter.


Lors de son point presse, le CCFA s'est attaché à rétablir certains faits. Il a dénoncé un débat médiatique, animé par les politiques, des scientifiques et médecins qui entretiennent une confusion mentale et se livrent à des manipulations (morts prématurées qui passent de 42 000 à 50 000 morts, etc...), et qui privilégie le sensationnel au débat de fond. Patrick Blain a mis en avant le diesel Euro 6, qui s'exporte aux USA et même au Japon, où il donne droit à une prime de 2700 € (équivalente à celle accordée aux véhicules hybrides). Un diesel propre qui est indispensable pour atteindre les 95 g de CO2 par km d'ici 2021.

Il a même cité le président François Hollande qui, lors d'une visite à l'usine de moteurs de PSA à Trémery, a reconnu les performances des véhicules diesel de nouvelle génération.
La vidéo est visible sur le site de l'Elysée : http://www.elysee.fr/video/x2kri2q


Le CCFA est revenu sur le plan de la ville de Paris, en se félicitant que Mme Hidalgo ait confirmé (elle l'a dit à BFM TV chez Jean-Jacques Bourdin) que les véhicules diesel Euro 5 et Euro 6 seront bien autorisés à rouler après 2020 dans la capitale. Le CCFA et le CSIAM (la chambre syndicale des constructeurs étrangers) sont d'accord pour que les véhicules les plus polluants soient interdits, mais sans pour autant jeter l'anathème sur le diesel, dès lors qu'il est équipé d'un filtre à particules. Les véhicules Euro 5 et 6 font partie de la catégorie des véhicules 5 étoiles (les plus vertueux). Ils représentent déjà 23 % du parc et ne pèsent que 2 % dans les émissions de particules.


A ce propos, Patrick Blain a dénoncé l'incongruité de la circulation alternée. Photo du pic de pollution à l'appui (qui montre qu'une bonne partie de l'Europe de l'ouest était touchée, ce qui limite le cliché de l'exception française), il a expliqué que des véhicules polluants pouvaient rouler, dès lors que plusieurs personnes prenaient place à bord. C'est ce qu'il a appelé "l'Ubérisation des voitures poubelles".


Pour le président du CCFA, seuls les véhicules les plus propres devraient pouvoir rouler en cas de pic de pollution. Ce qui est effectivement plus logique. J'ai d'ailleurs déjà exprimé ce souhait sur mon blog. Voilà pour ces mises au point, qui ont du mal à percer auprès des médias. La chambre syndicale des constructeurs français entend apparemment se montrer plus réactive, en essayant de faire entendre la voix de la raison dans un contexte hyper politique.

*ou émettant moins de 20 g de CO2 par km, ce qui n'est le cas d'aucun véhicule hybride rechargeable aujourd'hui.
**Nissan proposait depuis octobre 2014 sur toute sa gamme 100 % électrique des avantages client pouvant aller jusqu’à 10 000 € (bonus écologique de 6 300 €, la reprise de 2 200 € d’un véhicule Diesel de plus de 10 ans, sans condition géographique, et 1 500 € de remise). L'opération a duré jusqu’au 31 mars 2015. Un bilan sera disponible d'ici 2 à 3 semaines.