mercredi 15 mai 2019

Le sparadrap du Dieselgate

La publication dans Le Monde d'un rapport d'enquête mettant en cause Renault dans le domaine des moteurs Diesel relance les suspicions de "tous pourris" au sein de l'industrie automobile. Même si l'affaire semble très différente de celle de Volkswagen, les médias ne peuvent s'empêcher de faire le parallèle avec le Dieselgate. Et comme le temps judiciaire est long, cela donne le sentiment que rien n'a changé et que les constructeurs sont de fieffés menteurs, alors que le contexte a changé.


Quel est le fond de l'affaire ? Suite à une enquête de la répression des fraudes, une information judiciaire pour tromperie aggravée" a été ouverte. L'enquête a alors été confiée au pôle santé publique du tribunal de grande instance de Paris. Comme le raconte Le Monde : "En octobre 2017, les magistrats instructeurs ont ordonné à l’Institut supérieur de l’automobile et des transports (ISAT*) de procéder à une batterie de tests complémentaires afin de confirmer l’hypothèse de la présence de dispositifs frauduleux. Une campagne d’essais a été réalisée sur deux modèles de la marque : Captur et Clio IV. Les conclusions de l’ISAT sont sans équivoque sur « l’existence d’une modification des dispositifs de dépollution permettant l’adaptation à la procédure d’homologation de façon différente de conditions d’utilisation réelles".

Selon l’ISAT, les deux systèmes de dépollution retenus par Renault - la vanne dite EGR et le piège à NOx - ne fonctionnent pas dans certaines conditions. La vanne EGR « cesse d’être opérante » à des températures inférieures à un seuil pouvant être rencontré l’hiver ou supérieures à un seuil pouvant être dépassé en conditions normales, non hivernales.

Ces conclusions peuvent surprendre. Et elles sèment un doute légitime. On remarquera cependant que Renault n'a pas réagi par un communiqué. La marque a cependant répondu aux questions du Monde, en précisant qu’"aucun de ses services n’a enfreint les règles, européennes ou nationales, relatives à l’homologation des véhicules » et maintient que ses véhicules «ne sont pas équipés de logiciels de fraude aux dispositifs de dépollution".

Comme l'a très bien dit un de mes confrères (Pierre Taylor d'Auto Plus que j'ai entendu sur RTL), c'est comme en Formule 1. Tout ce qui n'est pas interdit est autorisé. On peut imaginer que les ingénieurs ont sans doute été un peu loin. Ce rapport ne signifie pas pour autant que Renault va être condamné, même s'il l'est déjà un peu sous l'effet du pilori médiatique qui tombe à point nommé après l'affaire Carlos Ghosn.

Mais encore une fois, ce qui est aujourd'hui mis en cause relève de pratiques antérieures à la mise en place de nouvelles règles pour l'homologation. L'Europe a réagi violemment et les procédures sont beaucoup plus strictes depuis le WLTP et le RDE. Par ailleurs, les constructeurs sont tenus de dire ce qu'ils mettent dans leurs logiciels. Le télescopage avec une enquête qui traîne en longueur ne peut, hélas, que nuire une fois de plus à l'image de l'industrie automobile qui na pas vraiment besoin de ça. Et comme les mêmes soupçons visent le groupe PSA et Fiat-Chrysler Automobiles, le feuilleton risque encore de durer... 

*L’ISAT est la seule école publique française spécialisée dans l’automobile et les transports qui forme de futurs ingénieurs. Elle dispose également d'un laboratoire baptisé DRIVE (Département de Recherche en Ingénierie des Véhicules pour l'Environnement).