vendredi 25 mars 2016

La législation évolue pour le véhicule autonome

Le 23 mars restera une date importante dans l'histoire déjà plus que trentenaire du véhicule autonome. La Commission pour l'Europe des Nations Unies (UNECE) a en effet annoncé l'adoption d'un amendement à la Convention de Vienne qui autorise les systèmes actifs d'aide à la conduite tels qu'on peut en trouver sur le marché, aussi bien chez Audi, BMW, Mercedes et Volvo que chez Tesla. Dans le dernier numéro d'Auto Moto, j'avais d'ailleurs annoncé cette date, en conclusion d'un article sur l'an 1 de la voiture autonome. Une fois qu'on a dit ça, en quoi est-ce si important ? Je vais vous le préciser dans des écrits qui n'ont pas encore été publiés* à ce jour.


La Convention de Vienne – qui remonte à 1968 - ne permettait pas jusqu'à présent pas la circulation sur route ouverte de ce type de véhicules. L’article 8 est très clair : « Tout conducteur doit constamment avoir le contrôle de son véhicule ou pouvoir guider ses animaux ». Un groupe de travail réfléchit toutefois à l’amendement de cette convention au niveau international, à l’horizon 2017. Les amendements adoptés seront ensuite transposés sur les codes de la route nationaux, ce qui peut prendre un peu de temps.

Ce que font les pays à titre individuel

L’Allemagne a stipulé dès 2012 que les niveaux d’assistance existants n’étaient pas en contradiction avec ses lois fédérales, dès lors qu’un conducteur est prêt à reprendre à tout moment le contrôle derrière le volant.
La partie flamande de la Belgique fait la même lecture.
Il est à noter que certains pays n’ont pas ratifié la Convention de Vienne, comme les Etats-Unis, mais aussi la Grande-Bretagne (qui prévoit de changer sa réglementation en 2017) et la Chine, le Japon, la Corée et l’Australie. Ils ont dont en théorie plus de liberté pour autoriser la circulation de véhicules autonomes.


Un rôle actif de la France

A titre de rappel, la France a mis dix ans pour appliquer la Convention de Vienne. Toutefois, les pouvoirs publics dans l’hexagone sont conscients des enjeux et appuient les industriels, comme on a pu le voir avec le plan Véhicule Autonome, qui prévoit justement un volet sur l’aspect juridique. Des groupes de travail planchent sur la question, dans le cadre du plan, ainsi qu’au sein de la Plateforme Automobile Française (groupe de travail CSTA14 de la PFA). A l’ONU, les constructeurs français font partie de groupes de travail spécifiques pour amender certains règlements. Il s’agit notamment de l’ECE 79 sur les systèmes de direction et de l’ECE 48 sur l’éclairage et la signalisation.


La loi sur la transition énergétique

Ce texte, adopté définitivement le 22 juillet dernier, prévoit les dispositions suivantes :
« Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi afin de permettre la circulation sur la voie publique de véhicules à délégation partielle ou totale de conduite, qu’il s’agisse de voitures particulières, de véhicules de transport de marchandises ou de véhicules de transport de personnes, à des fins expérimentales, dans des conditions assurant la sécurité de tous les usagers et en prévoyant, le cas échéant, un régime de responsabilité approprié. La circulation des véhicules à délégation partielle ou totale de conduite ne peut être autorisée sur les voies réservées aux transports collectifs, sauf s’il s’agit de véhicules affectés à un transport public de personnes.
Cette ordonnance est prise dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi. Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de six mois à compter de la publication de l’ordonnance ».


L’apport de VEDECOM sur l’aspect juridique

L’institut, dont j'ai déjà parlé à maintes reprises, qui travaille sur les technologies de délégation de conduite, planche également sur le cadre juridique.
C'est ainsi qu'un projet sur « l’encadrement juridique de la robotisation des véhicules terrestres » a été monté pendant l’été 2013 avec le laboratoire DANTE (Droit des Affaires et Nouvelles TEchnologies) de l’Université de Versailles Saint-Quentin et avec le GERPISA (Groupe d’Etudes et de Recherches Permanent sur l’Industrie et les Salariés de l’Automobile) de l’ENS-Cachan, dans le cadre d’un appel à projet du CNRS et de l’Université de Paris-Saclay. Ce projet est la première brique d’une contribution que souhaite apporter VEDECOM à l’analyse du corpus juridique et réglementaire qui encadre l’utilisation des véhicules automatisés, dans le but de le faire évoluer pour que la circulation de ces véhicules sur les routes publiques soit rendue possible. Ceci suppose de faire évoluer le code de la route et de bien définir le régime des responsabilités, quitte à mettre en oeuvre des « boites noires » sur les véhicules.
Un deuxième projet complémentaire appelé VALEUR (Véhicule Autonome : Lois, Economie, Usages, Réglementation) a été soumis à l’appel à projets de l’ANR dans le cadre du défi sociétal « Mobilités et systèmes urbains durables ».
Parallèlement, VEDECOM collabore avec Maître Yvon Martinet, du cabinet d’avocats Savin-Martinet & associés, qui s’est spécialisé sur cette question. (Encadré)

Quels sont les pays qui autorisent les tests : France, Allemagne, Angleterre, Espagne, Pays-Bas, Suède, Suisse, Etats-Unis (Californie, District of Columbia, Floride, Michigan, Nevada), Canada, Japon, Chine, Corée du Sud, Singapour, Australie. L’Italie accorde des dérogations si les conditions de sécurité sont respectées.

Pour les US, une page est tenue à jour par l’Université de Stanford à ce sujet : http://cyberlaw.stanford.edu/wiki/index.php/Automated_Driving:_Legislative_and_Regulatory_Action


Faut-il une législation unifiée aux Etats-Unis ?

À l’occasion d’un discours prononcé lors d'un séminaire de haut niveau sur la conduite autonome, qui se déroulait en octobre dernier et organisé par Volvo et l’Ambassade de Suède à Washington, le PDG du constructeur automobile avait souligné le flou actuel de la législation américaine. Hakan Samuelsson a fait remarquer que les États-Unis sont actuellement le pays le plus progressiste dans le domaine des véhicules autonomes, mais que cette position pourrait être remise en question si un cadre spécifique de règles et de tests n’était pas mis en place au niveau national. « L’absence de directives nationales concernant les tests et la certification des véhicules autonomes risque de faire perdre sa place de leader aux États-Unis », a-t-il déclaré. Dans une certaine mesure, l’Europe a souffert de son méli-mélo de lois et de règles. Il serait dommage que sur un sujet aussi important, les États-Unis suivent également cette voie ».
Pour le patron de Volvo, le manque de supervision fédérale au niveau national risque d’engendrer un ralentissement de la conception et de l’introduction des technologies de véhicules autonomes, lesquels seront alors particulièrement difficiles à tester, à développer, et à vendre pour les constructeurs. « L’absence de réglementations claires empêchera les constructeurs de procéder à des tests crédibles, qui leur permettraient de concevoir des véhicules adaptés à l’ensemble des différentes lois des 50 états », a encore ajouté Hakan Samuelsson. Afin d’assurer la transition la plus douce possible vers la mobilité autonome, nous devons instaurer une structure adaptée », a-t-il plaidé.
Pour Volvo, l’introduction des véhicules autonomes sur les routes du monde entier se déroulera bien plus tôt que les législateurs ne l’avaient prévue. C’est aussi semble-t-il l’avis des américains. Lors du salon de Francfort, le Secrétaire d’Etat aux Transports, Anthony Foxx, avait déclaré que « partout dans le monde des véhicules autonomes circuleront en 2025 ».

*Dans le dernier ouvrage que j'ai réalisé pour l'Observatoire du Véhicule d'Entreprise sur le thème du véhicule autonome, la partie juridique a été remplacée par une autre, rédigée par un avocat. Pour l'information du public, et parce que je trouve dommage d'avoir fait ce travail en vain, voici donc des éléments que vous ne risquez pas de voir ailleurs.