vendredi 8 février 2013

Plan Batho sur la qualité de l'air : quoi de neuf en fait ?

Quand j'ai entendu parler du retour d'une pastille verte, dans le cadre d'une réunion du Comité Interministériel sur la Qualité de l'Air*, je me suis dit qu'une fois de plus, les pouvoirs publics n'avaient rien compris. Je me souviens très bien de cette période et surtout du fait que la pastille n'avait servi à rien en raison du progrès technique qui a conduit à accorder à tous les propriétaires de voitures neuves ce fameux sésame. Mais, quand on prend la peine de lire le document**, on s'aperçoit que le plan d'urgence de Delphine Batho avec ses 38 mesures apporte une réponse globale à la problématique de la pollution, avec parfois des propositions intéressantes sur lesquelles je reviendrai. De toute façon, il faut agir. La France est dans le collimateur de la Commission Européenne pour le dépassement des émissions de particules PM10 (12 millions de français concernés) et on ne peut pas prétexter indéfiniment le maintien en circulation de véhicules très anciens. De plus, 2013 est l'année européenne de l'air. Voyons en quoi ce plan mérite d'être considéré dans son ensemble.


Le premier constat est que le plan Batho tourne définitivement le dos aux ZAPA (Zones d’actions prioritaires pour l’air), qui visait à limiter l’accès au centre-ville pour certains véhicules polluants et qui, dans la pratique, pénalisait surtout les français les plus modestes. La ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie a acté l’échec de ce dispositif, jugé socialement injuste et écologiquement inefficace. Elle propose une action plus ciblée dans les agglomérations les plus concernées et de façon durable.


Avant d'évoquer les points qui fâchent et la fameuse identification des véhicules les plus vertueux, je voudrais d'abord parler de mobilité. Le plan Batho propose de réorienter nos déplacements au quotidien. Au-delà des lieux communs (il faut développer les transports en commun et aider les véhicules électriques en ville en installant des infrastructures de recharge), il propose d'aider les collectivités à promouvoir et organiser le covoiturage avec des aires dédiées et sécurisées, de procéder à des livraisons en centre-ville avec des moyens propres (véhicules électriques ou hybrides, vélo-cargos, triporteurs avec assistance électrique ou non) et veut inciter les entreprises à accélérer leurs plans de déplacement.


Il est proposé par exemple une indemnité aux français qui feraient leur trajet domicile-travail en vélo (avec assistance électrique ou non).


Le plan Batho propose également de développer les motorisations électriques et hybrides pour les utilitaires, les camions, les bus et les autocars. L'électrique sera aussi encouragé pour les deux-roues et le vélo.


En ce qui concerne le renouvellement du parc, le gouvernement dit travailler sur des leviers ciblés. Rappelons que 6 millions de véhicules anciens contribuent à environ 30 % des émissions de particules des véhicules particuliers et 20 % des émissions d’oxydes d’azote. Le fait de changer un véhicule diesel « 1 étoile » (plus de 17 ans) par un nouveau véhicule récent « 5 étoiles » reviendrait à diviser les émissions de particules par un facteur de 30 et les émissions d’oxydes d’azote au moins par un facteur de 3, voire par 8 en cas de rachat d’un véhicule essence. Les autres idées sont de développer l'éco entretien (moteur, pneus, plaquettes de freins), qui sera a priori inclus dans le contrôle technique, mais aussi d'améliorer par un kit les véhicules les plus polluants. Un "rétrofit" serait à l'étude pour les poids lourds (filtre à particules), les bus et autocars, voire certains utilitaires. Ce genre d'équipement pourrait à terme concerner également les deux-roues.


Pour anticiper sur les pics de pollution, le plan préconise (ce qui est déjà fait) de faire de la gestion dynamique, en affichant une vitesse conseillée à certaines heures afin de lisser le trafic et de réduire les émissions.


La mesure qui crispe le plus concerne l'identification des véhicules les plus vertueux (sans doute par un système de pastille), qui seraient les seuls à pouvoir rouler en cas de pic de pollution. Bien sûr, on demande à savoir quels véhicules seront concernés (électriques, hybrides, modèles à faible CO2). Mais, quel est le problème ? Les pics de pollution sont très rares. Il y a quand même une marge entre l'exclusion permanente telle que la préconisaient les ZAPA et une situation exceptionnelle, où on peut comprendre que seuls des véhicules non polluants pourraient circuler. A ce propos, en cas de pic de pollution, il est préconisé d'adapter la tarification des transports en commun avec un « pass air » (pour train, tram, métro, bus, vélo). Je précise par ailleurs qu'il est prévu de renforcer l'information et qu'une application pour smartphone (et un site mobile) a été mise en place par Airparif.
La mesure la plus polémique à mon sens relève du stationnement. Il est proposé d'élargir au niveau national la gratuité du véhicule électrique et de moduler le péage en fonction du niveau de pollution et d'augmenter les amendes. Le stationnement est un levier efficace. Il pourrait là aussi orienter les choix vers des véhicules électrifiés.


Pour terminer, relevons ce passage du plan : "le gouvernement souhaite accompagner les démarches locales d’orientation géographique du flux de véhicules de manière ciblée, modulée et progressive pour concilier efficacité et acceptabilité économique et sociale. L’objectif est de permettre aux collectivités qui le souhaitent de pouvoir restreindre, à terme, l’accès de véhicules particulièrement polluants à certaines zones sensibles, de manière temporaire ou pérenne". En clair, on interdira bien à terme les véhicules les plus polluants, mais de façon plus maîtrisée et progressive.

* CIQA qui rassemble 11 collectivités (Paris, Plaine Commune, Communauté urbaine de Bordeaux,Clermont Communauté, Grand Lyon, Grenoble Alpes Métropole, Nice-Côte-d’Azur, Pays d’Aix, Marseille-Provence-Métropole, Lille Métropole, Communauté urbaine de Strasbourg), les autorités organisatrices des transports, les services déconcentrés de l’État dans les régions concernées ; plusieurs Ministères et Ministères délégués (Budget ; Écologie, Développement durable et Énergie ; Égalité des territoires et Logement ; Intérieur ; Justice ; Redressement productif ; Santé ; Transports ; Travail) ainsi que le GART (Groupement des Autorités Responsables des Transports), l’ADEME (Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Énergie), l’ACNUSA (Autorité de Contrôle des Nuisances Aéroportuaires) et le CERTU (Centre d'Etudes sur les Réseaux, les Transports, l'Urbanisme et les constructions publiques).
**http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/Dossier_de_presse_Plan_d_urgence_pour_la_qualite_de_l_air.pdf