vendredi 15 février 2019

100 ans de l'OICA : un événement qui fera date

Ces deux derniers jours, j'ai donc travaillé pour le compte de l'OICA, via le CCFA. Mon rôle était de réaliser des interviews en vidéo. Une mission passionnante qui m'a permis de rencontrer le gratin mondial de l'industrie automobile, de la recherche à la production en passant par des personnalités plus politiques. Tous ces points de vue étaient instructif, car ils permettent de réaliser que la pensée unique du tout-électrique est loin d'être partagée sur la planète et que ce n'est pas gagné non plus pour la voiture autonome, même si tout le monde y travaille.


J'ai déjà évoqué le discours du Président Macron. Il faut préciser que le Président était accompagné de plusieurs ministres (Bruno Le Maire pour l'Economie, François de Rugy pour la Transition Ecologique et Elisabeth Borne pour les Transports). Tous sont restés pour le dîner. En préambule, ils ont pu entendre des discours un peu acerbes de la part de Christian Peugeot (Président du CCFA et désormais de l'OICA), Mathias Wissmann (son prédécesseur) et Carlos Tavares (Président de l'ACEA). Ils ont tout droit dénoncé le "car bashing" et appelé à considérer les choses de façon scientifique au lieu de stigmatiser le Diesel.

Un peu plus tôt, le même Carlos Tavares avait amèrement souligné que l'industrie automobile avait plein de scientifiques dont on préfère ignorer les talents en Europe. Ce sont pourtant les ingénieurs qui vous trouver des solutions, ont dit à leur façon les trois speakers qui ont précédé Emmanuel Macron.

La journée de ce jeudi a eu une tonalité plus scientifique. A travers une série d'exposés, on a pu constater la diversité des approches pour la mobilité du futur. Je m'en étais déjà rendu compte en interviewant des représentants de la Corée, de l'Inde, du Brésil ou de l'Allemagne. Leur option va du bio-éthanol à l'hydrogène, en passant par le gaz naturel et l'électrique (plutôt pour les deux-roues, dans le cas de l'Inde).

Face à cette diversité, la position de la France avait de quoi intriguer. Le fameux rapport de Patrick Pélata et de Xavier Mosquet aborde l'électrification sous l'angle de la seule batterie (pour les véhicules 100 % électriques et les hybrides rechargeables). Il préconise de se lancer dans une filière européenne, qui sera portée par la France et l'Allemagne. Le rapport suggère aussi de mettre fin à des absurdités administratives (la charge gratuite en entreprise considérée comme un avantage en nature et imposable) et de faciliter l'installation de bornes. Il va aussi contribuer à lancer une grande campagne de communication avec le concours des constructeurs pour mieux sensibiliser les français à la mobilité électrique.

La ministre des Transports, Elisabeth Borne, est venue enfoncer le clou en évoquant la future LOM (Loi d'Orientation sur les Mobilités). Elle a réaffirmé que la France voulait arrêter la vente de voitures thermiques au plus tard en 2040 et multiplier par 5 le nombre de ventes de VE d'ici 2022. A cette date, l'objectif fixé pour le parc roulant est d'un million de véhicules électrifiés (dont 600 000 VE). Son intervention a été accueillie plutôt froidement.

Sur le véhicule connecté et autonome, là aussi les options divergent. Il y a des pays qui y vont plus vite que d'autres. Il est évident que les Etats-Unis sont en tête, grâce à Waymo (Google). La suggestion du rapport Pelata-Mosquet est d'amplifier les collaborations entre constructeurs. La France et l'Allemagne pourraient ainsi rattraper leur retard. Cela dit, Nicolas Peter - qui a exposé la stratégie de BMW dans ce domaine - n'avait pas l'air de considérer que sa marque était derrière la concurrence. En Inde, on ne risque pas de voir rouler tout de suite des véhicules de niveau 4 ou 5. Ce sera  plutôt de l'automatisation partielle, selon la SIAM.

Ce qui est intéressant, c'est que les mutations ouvrent de nouvelles opportunités. Tant Nadine Leclair (Expert Fellow) chez Renault que Carla Gohin (responsable de la R&D) chez PSA m'ont expliqué dans des interviews que les acteurs classiques de l'automobile et les géants du numérique arrivaient bien coopérer ensemble. Il y avait d'ailleurs le patron de l'automobile chez Microsoft, Sanjay Ravi, spécialement venu des Etats-Unis, qui participait à une table ronde avec elle. L'éditeur de logiciels a des solutions à proposer, dont son expertise du cloud.

Bilan : j'ai pu faire le tour du monde de la planète automobile pendant ces deux jours. J'y ai croisé aussi beaucoup de monde. Ce qui ressort quand même, c'est que l'automobile garde en France une certaine aura. Le chef de l'Etat semble l'avoir compris. Le problème est que si on forme de bons ingénieurs chez nous, le pays est considéré comme compliqué sur un plan fiscal et cela n'incite guère les grands groupes technologiques à investir massivement.

En tout cas, personne au sein de l'OICA ne doute de l'avenir de l'industrie automobile. "La voiture est la solution, pas le problème" selon Christian Peugeot.