mercredi 18 septembre 2013

Décryptage de l'accord entre Bolloré et Renault

En plein salon de Francfort*, l'annonce d'un partenariat entre Bolloré et Renault en a surpris plus d'un. Moi aussi je dois dire, même si je connaissais une bonne partie des informations qui sont publiées dans le communiqué de presse. Et pour cause, j'ai publié dans le magazine "Voiture Ecologique" une grande enquête sur le groupe Bolloré, en faisant le point sur son nouveau métier d'opérateur d'autopartage, les projets de nouveaux véhicules (voiture à trois places et cabriolet) et en donnant mon avis sur la Bluecar pour particuliers et la fameuse batterie lithium-métal polymère. C'est donc un accord permettant à Bolloré de gagner en crédibilité et en qualité, pas la naissance d'un nouveau champion français de l'électrique comme je l'ai lu et entendu.


Comme chacun sait, Bolloré n'est pas un constructeur et il a dû trouver une solution pour industrialiser une voiture portant sa batterie. La Bluecar est assemblée en Italie par Cecomp et fait appel au savoir-faire du français Actia pour la chaîne de traction électrique. C'est une filiale de Bolloré, IER, qui a développé le terminal communicant et l'accès par carte RFID. Passable pour Autolib', la qualité n'est pas au niveau pour les particuliers. Le groupe Bolloré le sait. Son intérêt est de se rapprocher d'un vrai constructeur et c'est pour cela que le choix de Renault et de l'usine de Dieppe est pertinent. Bolloré peut ainsi monter en cadence en toute confiance.


J'avais appris cet été que le groupe réfléchissait à un véhicule plus petit, à trois place et avec une batterie de moindre capacité (20 kWh). C'est une évolution logique. Le retour d'expérience d'Autolib' a permis de mesurer que les quatre places étaient rarement utilisées. Maintenant, il est juste indiqué que Renault pourrait apporter son soutien pour la conception et le développement de ce modèle, ainsi que du cabriolet en projet.


A ce stade, il n'est pas du tout question de développer en commun des véhicules électriques, comme l'a conclu un peu vite la presse. Le rapprochement avec Renault crédibilise la démarche de Vincent Bolloré, qui va mettre en bourse le 30 octobre BlueSolutions, la structure qui regroupe les activités liées à la voiture électrique et au stockage d'énergie. C'est dans cette optique qu'il faut aussi comprendre le projet de création d'une société commune afin de répondre aux appels d'offres autour de l'autopartage. Le duo Bolloré et Renault pèsera plus lourd.
Je dois dire que c'est le point qui m'intrigue le plus, car la marque au losange ne souhaitait plus être opérateur (comme elle l'a fait pour lancer Twizy Way*** à Saint-Quentin). Mais, le fait est que des Renault électriques et des Bluecar vont bien coexister par exemple à Lyon pour le service Bluely.


Même si le succès d'Autolib' et la résistance de la batterie LMP** ont relancé l'intérêt des constructeurs**** pour la technologie de la Bluecar, Renault n'a pas prévu de changer de fournisseur. Il faut dire que le problème principal de la batterie de Bolloré, qui est une batterie chaude fonctionnant à 80 degrés, est de se décharger quand la voiture n'est pas reliée à une prise. Un problème insignifiant dans le cas de l'autopartage, mais qui risque de poser de sérieux handicaps pour les particuliers. Et pour le moment, ce n'est pas réglé.

Arnaud Montebourg semble avoir joué un rôle pour ce rapprochement qui a au moins le mérite de jouer une synergie industrielle et économique.

*Un timing permettant de relancer l'actualité de Renault dans l'électrique alors qu'il n'y rien de neuf sur le stand.
**Lithium Métal Polymère
***qui sera exploité officiellement par Keymoov à partir du 26 septembre
****Je ne parle pas de l'histoire d'espionnage rocambolesque impliquant un sous-traitant en mission pour BMW et plusieurs constructeurs allemands.