mardi 22 septembre 2020

Ce que je pense de la polémique sur Nikola Motor

L'Amérique est un drôle de pays. La bourse peut valoriser à plusieurs milliards des entreprises pour mieux les défaire après. Après avoir porté aux nues Nikola Motor, qui a fait une entrée fracassante à Wall Street il y a quelques mois, en éclipsant Tesla (dans le genre baudruche c'est aussi un cas), voilà que les investisseurs sanctionnent le fabricant de camions. Et tout cela parce qu'une boîte (qui s'appelle bizarrement Hindenburg* Research) accuse le fondateur, Trevor Milton, d'avoir bidonné une vidéo. Est-ce que cette polémique va tuer dans l'oeuf les projets de Nikola et porter un coup à la filière H2 ? Voici ce que j'en pense. 

On peut toujours ergoter sur le fait que le camion de Nikola roulait en pente et non propulsé par une chaîne de traction à l'hydrogène. C'est vrai que c'est plutôt couillon d'avoir fait ça... Cela dit, il y a bien des constructeurs (j'entends les nouveaux entrants) qui ont présenté des modèles bidon dans des salons ou à des investisseurs. Toute la question est de savoir si l'entreprise a vraiment une vision et si elle est sérieuse. 

Dans sa défense, Nikola fait valoir que les ingénieur de Bosch sont venus les voir et qu'ils ne se seraient pas engagés à la légère. Connaissant la boîte, c'est aussi ce que je pense. Et puis, il y a aussi General Motors. Le groupe américain connaît bien l'hydrogène et il n'aurait pas décidé de s'inviter au capital et de devenir au passage un fournisseur. 

D'ailleurs, d'après Reuters, General Motors et Bosch maintiennent leurs projets de coopération respectifs avec la start-up américaine spécialisée dans les camions électriques et à pile à combustible.

Il y a aussi un partenariat stratégique avec l'italien CNH Industrial.

Au-delà de la motivation réelle de Hindenburg, dont la vocation est de traquer les baratineurs, cet épisode met en lumière la frénésie et la folie financière qui entourent la mobilité électrique. Les américains ne pensent qu'à se goinfrer de dollars. Et en raison de ce système absurde, les entrepreneurs sont obligés de promettre monts et merveilles. Les virtuoses du powerpoint, tels Shai Agassi à l'époque de Better Place (système d'échange de batteries), peuvent lever de l'argent, mais à un moment il faut convaincre. 

Moi, je trouvais que l'approche de Nikola, qui propose des stations en même temps que ses camions, était plutôt bien vue. C'était une transposition de ce que Tesla a fait avec ses superchargeurs. 

Aujourd'hui, c'est Stephen Girsky, déjà membre du CA de Nikola, et ancien vice-président de General Motors. qui tient les rênes de la boîte. Il aura fort à faire pour notamment redresser le cours de bourse. Depuis un pic en juin 2020, l'action du constructeur de poids lourds roulant à l'hydrogène a en effet chuté de 57 %.

Je ne sais pas si Nikola s'en remettra. Ce qui est sûr, c'est que le camion à hydrogène va arriver quand même. Hyundai a commencé à livrer les premiers exemplaires des 1 600 poids-lourds commandés par la Suisse. Daimler va en faire. Il y a aussi un projet à Rotterdam avec Air Liquide pour faire rouler 1 000 camions H2 d'ici 2025. C'est parti. L'hydrogène est la solution la mieux adaptée en mode zéro émission, sachant que le gaz fera la transition.

Laissons les boursicoteurs s'agiter. Ca fait du buzz et de toute façon, tout le monde s'en fout. 

*Hindenburg est le  nom d'un dirigeable qui a pris feu aux Etats-Unis et qui pour beaucoup de gens restent un symbole de la dangerosité de l'hydrogène.