Si on n'y prend pas garde, en faisant preuve de la pédagogie nécessaire, les accidents à répétition de Tesla risquent de susciter le doute, et peut-être même une défiance irréversible, vis-à-vis du véhicule autonome. On remarquera d'ailleurs que ces problèmes n'affectent pas les constructeurs classiques, ni même un acteur comme Google qui pourtant fait rouler depuis près de 10 ans de tels véhicules. Non. Il s'agit essentiellement de Tesla. Comme Volkswagen avec le Dieselgate, qui a fini par plomber le Diesel, la marque californienne risque de saborder tous les efforts de l'industrie automobile. Et tout cela parce que les fans de Tesla ont une foi inébranlable en Elon Musk, qui lui-même a joué les apprentis sorciers dans ce domaine.
En effet, le PDG de Tesla a maintes fois annoncé qu'il serait le premier à proposer des véhicules autonomes. Doté de 8 caméras panoramiques, l'Autopilot est d'ailleurs mis en avant sur le site comme un système qui bénéficie "des équipements nécessaires à la conduite autonome", "offrant un niveau de sécurité largement supérieur à un conducteur humain". Ce n'est qu'en fin de page, sur le site de la marque, qu'il est précisé que "la fonctionnalité de conduite autonome reste dépendante de la validation du logiciel et des régulations en vigueur".
Or, aujourd'hui, ce que propose Tesla n'est rien d'autre qu'un système de niveau 2. Il est à ce jour interdit de rouler sans toucher au volant, même aux Etats-Unis (les dérogations accordées par les Etats ne concernent que les expérimentations). Mais, la communauté de fans pense sincèrement - un peu comme les membres d'une secte - que ce que fait Tesla est tellement incroyable que ça ne peut que marcher. Et du coup, c'est le festival des couillons qui se filment en train de se faire conduire par leur voiture.
Il faut rappeler que dans l'un des accidents, un client est mort parce qu'il regardait un film. Et c'est pour cela qu'il n'a pas pu voir le camion blanc qui faisait demi tour (et que les capteurs n'avaient pas détecté). Dans le dernier accident en date, le conducteur n'a pas repris le contrôle, alors que le système lui avait demandé expressément de tenir le volant.
Dans une dépêche intitulée "voiture autonome : tué par excès de confiance", l'AFP s'indigne : "si le conducteur doit continuer à surveiller la machine, il ne s'agit pas d'une véritable voiture autonome dont l'intérêt devient dans ce cas très limité". Mais justement, c'est bien là tout le problème. On n'en est pas encore au stade de la voiture autonome. Et il y a une différence d'appréciation majeure entre les cow boys type Tesla et les constructeurs automobiles, plus prudents, qui préfèrent aller progressivement dans l'automatisation.
La même dépêche AFP écrit que "les constructeurs se sont jusqu'à présent abstenus de lever cette ambiguïté". Non, c'est faux. Ce sont au contraire les seuls à le dire. Ceux qui lavent plus blanc que blanc, c'est Tesla et tous les nouveaux entrants, américains ou chinois. Il ne faut pas se tromper dans la recherche des fautifs (dont les médias, plus fascinés par la Silicon Valley que les centres de R&D de Vélizy ou Guyancourt).
Evidemment, la marque dirigée par Elon Musk rétropédale aujourd'hui. Elle présente l'Autopilot comme "un logiciel d'aide à la conduite". Mais, le mal est fait. C'est pour avoir une voiture autonome que des clients viennent aussi chez Tesla. Dans son obsession de faire mieux et surtout plus vite que les constructeurs classiques, Musk est prêt à prendre des risques, transformant ses clients en beta testeurs. Il ne faudrait pas qu'un banal concours de bites vienne faire capoter une évolution aussi majeure que le véhicule autonome. Un domaine dans lequel d'ailleurs il semble que Tesla ne soit pas si à la hauteur que veulent bien le croire les adeptes de la secte.