vendredi 17 juin 2016

La pile à éthanol selon Nissan : innovant ou pas ?

La presse a bien accueilli la récente annonce de Nissan, qui planche sur une pile à combustible fonctionnant à l'éthanol. L'intérêt de la technologie est de pouvoir transformer du carburant en hydrogène, pour fonctionner en mode émission, en faisant abstraction du manque de stations. Sur le papier, il est vrai que le concept a l'air génial. Ce que peu de gens savent, c'est que Renault aurait pu sortir ce concept il y a une bonne dizaine d'années.



La marque au losange s'était penchée à l'époque sur le reformeur, un système qui permet de transformer n'importe quel carburant en hydrogène. Elle avait même pris une part du capital d'une société qui a pour nom Nuvera. Cela remonte à 2004. J'en ai reparlé avec Pierre Beuzit, qui était à l'époque le patron de la recherche de Renault. Le reformeur est un dispositif qui en taille prendrait la place de la roue de secours. ce qu'on m'a expliqué, c'est que la transformation de carburant en hydrogène génère du CO2, qui est rejeté dans l'atmosphère. Mais, le bilan s'équilibre puisque la voiture consomme au final jusqu'à 2,5 fois moins de carburant à kilométrage égal.

A l'époque, Renault n'est pas allé plus loin. Mais, l'idée était bien de s'affranchir du problème d'un réseau de stations à l'hydrogène.


Certains médias ont retrouvé aussi la trace d'un prototype de Nissan r'Nessa FECV qui utilisait une pile de ce type il y a plus de 15 ans. Pour être exact, c'était une pile au méthanol. Les japonais avaient tout simplement imité Mercedes, qui menait à l'époque des recherches similaires. Pierre Beuzit avait mis le holà à ce système, car le méthanol est un carburant très dangereux pour l'homme.

Il faut préciser qu'à l'époque Renault avait encore du pouvoir auprès de Nissan... Après, le grand patron Carlos Ghosn a procédé un arbitrage en laissant le soin à l'allié japonais de poursuivre les recherches sur l'hydrogène.


Pour en revenir à la pile à bio éthanol de 2016, c'est une pile de type SOFC (à oxyde solide) qui a été privilégiée. Plutôt utilisée pour des applications stationnaires, elle a la particularité de fonctionner à haute température sans l'aide d'un catalyseur.  et de pouvoir convertir des carburants (de type éthanol ou gaz naturel) en hydrogène. C'est donc une solution moins chère.


Le constructeur japonais annonce 600 km d'autonomie. Ce qui est comparable aux performances des véhicules qui sortent sur le marché.

Cette approche permet de contourner le problème du manque d'infrastructures en stations à hydrogène. Un point que Carlos Ghosn ne manque pas de rappeler régulièrement, d'autant que c'est ce qui a mis à mal son plan pour la voiture électrique.

Reste à savoir si c'est juste un effet d'annonce, ou un moyen d'amorcer la pompe et de partir sur l'hydrogène en mobilisant moins de moyens. Le fait est que Pierre Beuzit m'a confié qu'il avait l'intuition que Toyota s'était aussi penché sur ce sujet.