Pour moi qui viens de signer un livre sur l'hydrogène pour l'Observatoire du Véhicule d'Entreprise, ce qui prouve bien que je suis spécialiste d'au moins quelque chose*, je me réjouis de voir que ce vecteur d'énergie est mis en avant par plusieurs marques. Je vais y revenir juste après. Mais d'abord, parlons de Volkswagen. Prenant la parole pour la première fois dans un salon international depuis le scandale des moteurs truqués, la marque allemande a présenté ses excuses et promis une solution technique. Herbert Diess a par ailleurs décidé de reporter l'introduction d'un modèle diesel au Japon de quelques mois. Ce sera au second semestre 2016, au lieu du printemps. Vous avez bien lu : on parle bien de diesel (à la norme Euro 6) au pays du soleil-levant.
Mercedes entend bien séduire le Japon avec sa technologie BlueTec, avec ou sans hybridation, tout comme Peugeot avec la 508 GT BlueHDI**. J'en profite pour informer les militants écolos (ou soi disant consultants en écomobilité) que le diesel n'est pas interdit, malgré une idée reçue très tenace. Le clean diesel est exempté de la taxe d'immatriculation depuis 2012, au même titre que l'électrique et le gaz. Et le scandale VW ne va a priori pas changer la donne. Akio Toyoda, le Président de Toyota, estime selon l'AFP que "tourner le dos au diesel à cause du scandale de la manipulation des tests anti-pollution par Volkswagen serait une erreur" et que son groupe continuerait "de monter des moteurs diesel sur certains de ses modèles, notamment des utilitaires". Pour sa part, Mazda présente pour sa part deux moteurs diesel sur son stand au salon de Tokyo. Hé oui, il y a le 2,2 L classique SKYACTIV-D et le nouveau 1,5 L. Sur un salon de type Francfort, on pourrait se dire ah ouais... Sur un événement qui se passe au Japon, cela interpelle. Mazda, qui justement oeuvre en faveur d'un diesel plus propre (45 % de ses ventes dans le pays).
Mais, l'actualité chez Mazda, c'est le retour du moteur rotatif sur le concept RX-VISION. Ce moteur de nouvelle génération est baptisé SKYACTIV-R. La spécificité des moteurs rotatifs réside dans le fait qu'ils produisent de l'énergie par le biais du mouvement rotatif de leurs rotors triangulaires (et non via le mouvement alternatif des pistons comme sur les moteurs classiques). Après avoir surmonté nombre de difficultés techniques, Mazda a lancé la technologie en 1967 sur la Cosmo Sport 110S, puis sur plusieurs modèles dont la RX-7 (800 000 exemplaires produits entre 1978 et 2002). C'est aussi avec ce moteur que Mazda a remporté les 24 Heures du Mans en 1991. C'est le seul japonais à avoir réussi cet exploit. On attend de voir les détails.
Il ne faut pas s'y tromper, hormis quelques protos sympathiques (Toyota Kikai qui montre ses entrailles mécaniques), la présence de marques un peu exotiques (DS qui vient pour la première fois à Tokyo), et quand même une première mondiale chez Porsche (Macan GTS), ce sont plutôt les énergies alternatives qui sont en évidence à Tokyo. Et on pense d'abord à l'hybride avec la Honda NSX, la Toyota Prius, la Lexus RX ou encore la Subaru Viziv (hybride diesel !). Mais, il y a aussi l'hybride rechargeable, présenté par Volkswagen, Mercedes, Mitsubishi et Nissan (sur le concept Gripz).
Que dire sur l'électrique ? Chez Nissan, où l'on présente par ailleurs la Leaf avec sa grosse batterie de 31 kWh (augmentant l'autonomie à 250 km en cycle NEDC, 280 selon selon le cycle japonais), la surprise vient du concept IDS dont je parlais hier. Ce véhicule au design très discutable (la conséquence d'un aérodynamisme optimisé, comme pour la Mirai dans un autre genre) embarque une batterie de 60 kWh, qui l'autorise à faire des longues distances. On n'a pas le chiffre, mais on imagine deux fois plus que la Leaf. Pour compenser le poids de la batterie, qui se rapproche des standards de Tesla, Nissan a donc utilisé la fibre de carbone pour le véhicule. Affaire à suivre. J'ai lu récemment que la marque se donnait pour objectif de faire 5 % de ses ventes en électrique prochainement, et jusqu'à 10 % en 2020.
En électrique pur, l'autre nouveauté est le SUV de Mitsubishi. Le concept eX préfigure par ses lignes le futur ASX. La marque japonaise ne donne pas plus de détails sur les performances de sa chaîne de traction électrique. Précisons que Mitsu célèbre au salon 50 ans de recherches sur l'électrique. Rappelons aussi que la i-MIEV est sortie au Japon un avant la Leaf.
La technologie en pointe au salon reste l'hydrogène. Et cette année, c'est Honda qui fait l'événement avec son modèle de série. Il a pour nom Clarity (comme l'ancien en fait) et viendra concurrence la Toyota Mirai à partir de mars 2016. C'est la première berline au monde à tout intégrer (pile à combustible, moteur électrique et batterie) sous le capot. C'est ce qui lui permettra à terme de décliner l'hydrogène sur d'autres plateformes.
Pour en revenir à la Clarity, c'est la raison pour laquelle l'auto propose plus de place à bord pour 5 occupants adultes. Toujours à propos d'hydrogène, Honda montre aussi dans l'expo Smart Mobility un exemplaire de sa station à hydrogène, et comment sa berline Clarity peut aussi alimenter une maison en électricité.
Comme vous avez pu le voir par ailleurs, Toyota a annoncé peu de temps avant le salon qu'il ne ferait plus de modèles thermiques en 2050. Et il compte beaucoup sur l'hydrogène. La star de son stand est précisément le concept FCV Plus, qui préfigure un modèle plus compact que la Mirai. Le groupe, qui est redevenu numéro 1 mondial de l'automobile, entend bien décliner la technologie sur d'autres modèles.
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L'autre surprise est la première Lexus équipée d'une pile à combustible. Il s'agit du concept LF-LC, qui est surtout un exercice de style. Néanmoins, c'est intéressant au niveau de l'intégration. La pile est intégrée à l'arrière, de façon à propulser les roues arrière, et délivre par ailleurs de l'énergie à des moteurs électriques placés dans les roues avant. Ce qui permet d'avoir 4 roues motrices. Les réservoirs d'hydrogène en forme de T permettent d'avoir une plus grande stabilité et un comportement sportif.
Enfin, Mercedes fait le show avec son concept Vision Tokyo. Il est dérivé de la F015, dont il reprend d'ailleurs la même architecture avec une pile à combustible et une batterie. Ce système hybride rechargeable permet de réaliser près de 1000 km (980) en mode zéro émission, dont 790 avec de l'hydrogène. Pour autant, on n'a toujours pas de nouvelles du modèle commun entre Daimler, Nissan et Ford et attendu pour 2017. Carlos Ghosn, qui s'est trompé sur l'électrique, semble ne pas être convaincu par la technologie, en raison notamment du manque d'infrastructures.
*Je dis ça par rapport à un triste personnage qui m'a interpellé sur Twitter. Un soldat vert qui milite pour un "futur sobre et intelligent" et qui écrit bien des âneries (je reste poli) par ailleurs. What the fuck, comme dirait le poète.
**Il s’agit en effet du premier véhicule Diesel de la marque à être lancé au Japon, en 40 ans de présence du Lion sur l’archipel. Les nouvelles motorisations BlueHDi vont profiter de la volonté des autorités japonaises de promouvoir le Diesel propre au même titre que les autres technologies environnementales.