Ainsi donc, PSA et Fiat-Chrysler ont décidé d'aller vers une fusion entre égaux. Il n'y a pas si longtemps, le premier voulait croquer le second, fort du succès enregistré auprès d'Opel (redressé de belle manière) et de ses réserves en cash. De tout façon, l'un comme l'autre avaient besoin d'un partenaire. Le groupe PSA est obligé de revenir aux Etats-Unis (et il ne peut le faire tout seul) pour ne pas dépendre de la seule Europe, où les normes de CO2 vont bouleverser le marché. Pour sa part, Fiat-Chrysler est à la traîne sur l'électrification et la voiture autonome. Et il y a une logique de complémentarité pour les deux groupes. Alors, pourquoi pas ?
Au-delà de l'ouverture sur les USA, le groupe piloté par Carlos Tavares (qui est assuré de rester aux commandes pendant 5 ans) trouve un moyen d'optimiser ses investissements. On pense bien sûr aux plateformes (CMP et EMP2), mais aussi à la production de moteurs électriques avec Nidec. Les composants pour véhicules hybrides et rechargeables pourraient être fabriqué à plus large échelle et voir leur coût de revient diminuer. De la même façon, le français pourrait faire bénéficier à son nouveau partenaire de son savoir-faire dans le véhicule autonome et l'usine du futur.
C'est ce que j'ai raconté ce midi sur France Info, où je suis intervenu en même temps que le maire de Chartres-de-Bretagne, la commune où se situe l'usine PSA de Rennes.
Et puis, n'oublions pas l'hydrogène. On sait que PSA va lancer trois utilitaires (Citroën Jumpy, Peugeot Expert, Opel Vivaro) en 2021. Ces véhicules partagent une même plateforme. Il est trop tard pour y ajouter un utilitaire Fiat. Néanmoins, il est évident que ce premier coup d'essai pourrait être réédité plus tard (les deux groupes ont une longue expérience dans la production en commun de VUL). Et puis, cela pourrait faire du sens de proposer de l'hydrogène sur de gros SUV par la suite. Avec Jeep, Dodge et RAM (et pourquoi pas Alfa), plusieurs candidats sont éligibles. Grâce à l'expertise d'Opel, mais aussi de Faurecia (dont il est actionnaire), le groupe PSA pourrait mieux rentabiliser une technologie qui coûte cher. Il faut quand même noter que le groupe devrait probablement céder le capital qu'il détient dans l'équipementier si la fusion devient effective.
Inversement, on verra si Fiat aura gain de cause dans la connectivité. FCA va déployer des services dans le cloud avec Harman (qui appartient à Samsung) et une plateforme qui tourne sur Android : tel est le schéma qu'a retenu le groupe FCA. C'est un méga-contrat avec une nouvelle plateforme qui va se généraliser en 2022 sur tous les véhicules et dans 150 pays. Le futur système UConnect se mettra au jour automatiquement et sans fil, avec des services connectés qui iront du trafic en temps réel à la maintenance prédictive. Pour sa part, PSA a commencé à travailler avec Huawei.
Les deux parties prennent l'engagement de ne pas fermer d'usine. Et les participations de l'Etat français et de la famille Peugeot sont garanties pendant 7 ans.
Evidemment, on peut être sceptique sur les chances de succès des fusions. Cela n'a pas marché entre Daimler et Chrysler, ni entre GM et Fiat. Et le projet de rapprochement entre PSA et le même GM a fait un flop (à la différence près que cela a permis à PSA finalement de mettre la main sur Opel). Généralement, dans le cadre d'une fusion entre égaux, il y en a toujours un qui est moins égal que l'autre et qui se fait croquer. La grande différence, néanmoins, par rapport aux échecs du passé, c'est que l'ensemble serait dirigé de façon opérationnel par un DG qui a fait ses preuves. Carlos Tavares est un car guy, pas un financier qui ne connaît rien au produit. Et il a su redresser le groupe PSA (qui a échappé à la faillite en 2012), tout comme Opel. Il n'y a pas de raison qu'il ne sache pas le faire avec l'arrivée de FCA. Ce serait en tout cas une belle revanche par rapport à Carlos Ghosn, qui l'a écarté de Renault quand il demandait à avoir plus de responsabilités.
Et pour ce brillant manager, qui pilote le week-end, se retrouver aux commandes d'un groupe qui comprend Maserati, c'étai vraiment une opportunité à ne pas laisser passer.