Une partie de la presse a monté en épingle le fait que la Dacia Sandero a été la voiture la plus vendue auprès des particuliers en 2017...même si elle ne pointe qu'à la 8ème place du top 10. Toujours selon certains de mes confrères, c'est la preuve que les français veulent avant tout des voitures fonctionnelles et pas tous ces trucs compliqués que font les autres constructeurs. Pourquoi que PSA y fait pas pareil, hein, hein ?, s'interroge Europe 1, qui y voit un formidable succès français - et osons le dire mondial. J'ai même vu un débat sur BFM TV où un intervenant* y a vu le signe que les consommateurs ne veulent pas des aides à la conduite. Gravement, les animateurs se demandaient si le rapport avec l'automobile n'était pas en train de changer (par contre, personne ne s'est demandé si ce n'était pas le signe d'un appauvrissement de la classe moyenne ou le signal que les voitures classiques sont devenues trop chères pour une grande majorité). Je m'attendais presque à voir le bandeau "vers la fin de l'automobile ?. Au risque de décevoir les partisans du "c'était mieux avant", la voiture du futur ce sera à la fois du "low cost" pour une frange de consommateurs et des produits plus sophistiqués qu'on consommera sous forme d'une mensualité.
je comprends très bien que des clients puissent se satisfaire d'un produit assez basique pour se déplacer. Après tout, on trouve encore des gens qui n'ont pas de téléphone portable, qui notent leur rendez-vous sur des agendas papier et qui envoient encore des cartes postales en version papier. On peut très bien aussi avoir le dernier smartphone et préférer mettre son argent ailleurs que dans une voiture à la techno dernier cri. C'est tout à fait rationnel.
Est-ce que cela veut dire pour autant que l'industrie automobile fait fausse route avec des voitures toujours plus sophistiquées et des services ? Je ne le crois pas. Renault, la maison-mère, est en train de préparer des véhicules plus high-tech (on le verra bientôt sur la Clio de prochaine génération), avec de la connectivité, de l'automatisation et bien sûr de l'électrification. Dacia en bénéficiera aussi, car contrairement à une idée reçue il y a aussi de l'électronique à bord, mais sous forme d'équipements qui ont une ou deux générations de retard, avec des composants plus éprouvés. Si aujourd'hui la technologie se résume à des feux de jour à LED, du Bluetooth, un écran de navigation et une caméra de recul, il y aura demain plus de fonctions.
Le low cost ne veut pas dire forcément des équipements au rabais, d'ailleurs. J'ai eu l'occasion de rouler en C-Elysée, une berline assez basique de Citroën. Il y a relativement peu d'équipements, mais le tout dernier écran tactile avec CarPlay et Android Auto.
Le problème de fond est celui de l'évolution en matière de consommation. Il apparaît assez évident qu'à terme, on n'achètera plus les voitures, dont le prix sera prohibitif. On paiera une mensualité pour consommer de la mobilité, avec un véhicule que je pourrai utiliser, éventuellement louer aussi en passant par une plateforme, tout en ayant accès à d'autres services pour me déplacer. Mais, pour ceux qui préfèrent acheter et rester propriétaire, il sera rassurant de continuer à rouler en Dacia.
Ce n'est donc pas un retour en arrière qui s'amorce. j'y vois plutôt le signe d'une société qui résiste au changement et préfère avancer tout doucement.
Sinon, pendant ce temps, la terre continue de tourner. La semaine prochaine, on verra une autre France, celle qui innove, présenter ses technologies au CES de Las Vegas. Et on peut très bien combiner la high-tech et le low cost. Par exemple, la société ISFM (Intelligent System For Mobility), montée par un ancien de VEDECOM, va proposer un nouveau concept de navette autonome avec une approche qui vise à réduire les coûts. Ces pods urbains, qui pourront embarquer 6 personnes, ne nécessitent qu'une infrastructure minimale.
Au lieu d'agiter la peur, avec la tarte à la crème de la voiture autonome qui va foncer dans le mur pour éviter un enfant, les médias pourraient aussi contribuer à faire de la pédagogie. Mais là, je sais, je rêve...
*Mathieu Flonneau, brillant historien de l'automobile, mais farouchement opposé au progrès technologique, surtout sous la forme de la conduite autonome.