mercredi 5 avril 2017

La France en ordre dispersé sur le véhicule connectée et autonome ?

Suite à la conférence CAD sur le véhicule connecté et autonome à Bruxelles, je voulais partager avec vous quelques infos. Et on va parler de la France. Il se trouve que l'hexagone est plutôt en pointe dans les tests pour la voiture autonome, avec une législation permettant de tester des prototypes sur plus de 10 000 km de routes ouvertes. Les autorités ont délivré 28 autorisations pour la seule année 2017 (les deux tiers pour des voitures, le tiers restant pour des navettes).



Ces tests vont s’intensifier dans le cadre de la coopération franco-allemande. Par ailleurs, le responsable du Plan Véhicule Autonome de l’ex-NFI, Jean-François Sancerin (Renault), a annoncé le lancement d’une expérimentation à grande échelle en région parisienne pour la mi-2018. Le représentant de Carlos Ghosn au sein de ce plan m'a confié avoir un appui total de Bercy pour le déploiement de ces technologies.

Il se trouve aussi que les fabricants français de navettes autonomes, Easymile et Navya sont cités en exemple. Leurs navettes ont certes été testées un peu partout en Europe, mais sont utilisées aussi pour un usage commercial (et non dans le cadre d'un énième projet européen, comme par exemple Citymobil2). L'opérateur Transdev et le STIF (Syndicat des Transports d'Ile de France) ont évoqué leurs retours d'expérience. Il s'avère que la présence humaine reste nécessaire, ne serait-ce que pour rassurer les passagers.


Donc, en apparence, tout roule. Mais, c'était oublier la Sécurité Routière. Hier, l'un de ses représentants, qui est conseiller et s'occupe de la réglementation,  Joël Valmain, a fait une intervention qui m'a laissé pantois. Il a commencé en remarquant qu'on n'avait pas beaucoup parlé de sécurité lors des débats du mardi matin. Précisons que M. Valmain n'était pas là la veille. Il n'a donc pas entendu le PDG de Volvo, Hakan Samuelsson, réaffirmer son objectif de zéro mort en 2020 et plaider pour un partage des données liées à la conduite pour améliorer justement la sécurité routière en Europe. D'autres acteurs ont évoqué également les bénéfices attendus des technologies liées à l'automatisation et la connectivité.

A la base, le véhicule autonome est juste un peu conçu pour remédier aux erreurs humaines. Quant à la 5G, ce n'est pas pour télécharger Games of Thrones. C'est pour être alerté des bouchons, accidents et de tout danger potentiel en temps réel.

Le représentant de la Sécurité Routière a ensuite évoqué la législation, avec les groupes de travail au niveau des Nations Unies. Alors que les textes évoluent, au niveau des conventions de Genève et Vienne, les règlements doivent aussi prendre en compte les activités autres que la conduite (en mode autonome) et le parking piloté à distance. Un autre intervenant, de l'ANWB (automobile club hollandais), a évoqué plus tard les risques de distraction dans les phases intermédiaires et le risque d'autisme en mode autonome.

Il est légitime de se préoccuper des textes. Mais, il me semble que ce n'était pas vraiment la question pendant ces deux jours à Bruxelles, tant il est évident que la législation va s'adapter sous l'effet conjoint de l'arrivée des technologies et de la volonté politique de les déployer. L'intervention a mis en évidence le décalage entre le monde réel (des véhicules toujours plus sophistiqués et équipés de système de sécurité active) et la vision de cette administration. La Sécurité Routière mène une croisade contre le téléphone au volant et sa référence au progrès reste le LAVIA* (un régulateur de vitesse à l'esprit castrateur).

Or, la réduction des accidents va passer à l'avenir par la voiture connectée. Gloups !

je le redis encore et encore : c'est une erreur historique que de laisser la sécurité routière dans le giron du ministère de l'Intérieur. C'est le ministère des Transports qui devrait porter le dossier de la voiture autonome, avec toutes ses composantes (sécurité routière et cybersécurité). L'heure est au regroupement des compétences. Mais, le problème est qu'en France, le secrétaire d'Etat aux Transports Alain Vidalies, est sous la coupe de Ségolène Royal qui ne s'intéresse qu'à l'écologie.

Allez, une anecdote pour finir. J'ai appris à Bruxelles que la France n'a pas donné son autorisation, quand une société espagnole a voulu utiliser le réseau français pour faire rouler des camions autonomes en convoi, pour rallier Amsterdam. C'était en 2016, dans le cadre d'une conférence européenne de haut niveau. En fait, plusieurs administrations se sont renvoyées la balle et le oui n'est pas venu. La french administration, plus forte que la french technology !

*Un concept mort-né que Sarkozy a voulu ressusciter en 2012. L'adaptation du régulateur de vitesse en fonction des panneaux est en fait sur le marché aujourd'hui. C'est le conducteur qui décide s'il veut laisser faire la machine.