Comme vous le savez sans doute, la valeur de Tesla à la Bourse de New York a dépassé celle de GM. Le constructeur de voitures électriques, créé il y a seulement treize ans, et qui était déjà passé devant Ford, vaut plus de 51 milliards de dollars. C'est évidemment une performance que l'on peut attribuer à Elon Musk, le PDG de l'entreprise (qu'il n'a pas fondée, contrairement à une idée reçue). Mais, on ne peut s'empêcher de penser que quelque chose ne tourner pas rond.
Tesla n’a vendu en effet que 76 000 voitures en 2016, contre plus de 10 millions pour GM. Et en plus, le premier ne gagne toujours pas d'argent. C'est d'ailleurs ce que pointe l’ancien patron de GM, Bob Lutz. Dans une interview au Los Angeles Times, il s'étonne de voir que "Tesla perd de l’argent sur chaque voiture" et que "tout le monde en parle comme si c’était le constructeur automobile le plus miraculeux de tous les temps". Musk sait en tout cas séduire les investisseurs et... l'Etat fédéral qui l'a beaucoup aidé (espèce de socialiste, va !).
Des gens qui se croient très intelligents pensent même que c'est Tesla qui a converti l'industrie automobile à l'électrique*. Je les soupçonne de se prosterner devant la photo d'Elon, en orientant leur serviette en direction de la Californie. Peut-être parce qu'il est plus sexy que Carlos Ghosn, allez savoir. Le fait est que Tesla a travaillé avec Daimler et Toyota, qui ont pendant un temps investi dans la société et sont partis en même temps. C'était à une époque où tout le monde s'emballait sur les batteries, suite aux annonces de Ghosn qui pronostiquait un brillant avenir à la filière électrique. Ces coopérations ont sans doute sauvé la vie de la boîte, qui a failli disparaître plusieurs fois. Un autre fait, incontestable, est que Tesla a su rendre désirable l'électrique, avec une Model S très réussie.
Mais aujourd'hui, bon nombre de constructeurs maîtrisent la filière batteries. Et l'expertise vient d'Asie. Au niveau de l'autonomie, le constructeur californien n'est plus la référence. La seule surprise peut venir de la Gigafactory, si Tesla arrive à dégager des économies d'échelle. Il n'y en a tout cas pas de rupture au niveau de la techno elle-même. Précisons encore que les constructeurs (c'est déjà le cas de Mercedes et Nissan) vont aussi proposer des batteries pour le stockage d'énergie à la maison. Mais surtout, la firme d'Elon Musk va devoir affronter une concurrence plus sévère sur le front des sportives électriques. Audi, BMW, Mercedes et Porsche, plus Aston Martin et McLaren dans un segment supérieur, vont faire parler les watts.
Sur le marché plus classique, la Model 3 va arriver à un moment où les 300 km réels seront devenus la norme (ZOE avec nouvelle batterie, Opel Ampera-e). L'autonomie ne sera donc plus un facteur de différenciation. La différence se fera sans doute au niveau du design et probablement du système Autopilot.
A ce propos, Tesla a eu de la chance pour le moment. On lui a pardonné l'accident mortel qui a eu lieu aux Etats-Unis, au motif que le constructeur trouverait sans doute une solution. Et il a réagi en installant plus de capteurs et en modifiant le logiciel de bord**.Là encore, les geeks font un contresens en estimant que Tesla est en avance sur le reste du monde.
Jusqu'à présent, Elon Musk a su cultiver son image, au point d'être considéré comme un Dieu vivant par certains. Mais, il doit maintenant produire en masse avec tous les risques que cela suppose. Et l'un de ces risques concerne justement les aléas liés à l'électronique embarquée. Comme me l'a souvent dit, Michel Faivre-Duboz, qui s'est occupé d'ingénierie chez Renault, et que je croise à la SIA, Tesla n'a pas encore eu beaucoup de procès pour accidents mortels.
La descente peut donc être brutale.
*Il y a un facteur un peu moins glamour qui s'appelle le CO2. Les seuils deviennent drastiques et l'électrification est l'une des voies qui permet de baisser les rejets.
**C'est sur ce point là que Tesla a été le plus innovant et a incité les autres à le suivre.