Dans les conférences internationales, je me sens comme un poisson dans l'eau. C'est comme ça. J'adore être au contact d'experts de plusieurs nationalités et vivre des moments que l'on peut qualifier d'historiques. Et justement, hier, j'en ai vécu quelques-uns. Présent à Bruxelles pour la conférence CAD (Connected and Automated Driving), j'ai assisté à des prises de position sans équivoque en faveur de la voiture autonome et de la connectivité via la 5G.
Ce qui est un peu plus gênant, c'est de voir le décalage avec la France. Seul journaliste de l'hexagone à suivre les débats, a priori, j'ai pu constater deux types de réactions à distance. Celles qui sont enthousiastes, avec des tweets qui ont été relayés par divers acteurs (non liés aux médias), et au contraire les réflexions des journalistes automobiles sur Facebook, qui sont perplexes, voire farouchement contre le véhicule autonome.
Pourtant, l'issue ne fait pas vraiment de doute. A l'exception d'un intervenant de l'Université Technique d'Eindhoven, qui pense que l'on ferait mieux de mettre l'accent sur le vélo et sur le bien-être des citoyens, et qui pense par ailleurs que la voiture autonome du type Google Car va causer plus de problèmes qu'autre chose, les intervenants ont souligné tous les avantages des évolutions techniques en cours.
Le gain en sécurité routière. Comme certains autres constructeurs, Volvo vise le zéro mort. A ce propos, le PDG de l'entreprise, Hakan Samuelsson, appelle au partage des données, entre constructeurs et entre toutes les parties concernées, pour justement améliorer la sécurité routière.
Des technologies qui peuvent se démocratiser rapidement. Ces technologies digitales nécessitent un investissement au départ (capteurs, cloud), mais elles peuvent passer rapidement du Premium à la grande série, en raison de la stratégie de plateformes des constructeurs.
Le gain de temps et d'espace. Une voiture qui va se garer toute seule va faire gagner du temps au conducteur. Et elle peut même réduire au passage la surface dévolue au stationnement. José Manuel Viegas, de l'International Transport Forum (organisme lié à l'OCDE), a rappelé qu'une étude menée sur Lisbonne a mis en évidence le fait que des taxis autonomes pourraient potentiellement réduire de 90 % le nombre de voitures. Et ce, pour un service similaire. On pourrait aussi supprimer beaucoup de parkings. J'en dis plus dans une enquête à lire en juin prochain dans le magazine We Demain.
Un avantage compétitif pour les transports en commun. Dans une table ronde, Transdev et le STIF ont évoqué les navettes autonomes, qui peuvent remplir un service de mobilité alternatif et complémentaire. En réponse à une question, pour laquelle on m'a félicité de l'avoir posée (qu'avez-vous appris des différentes expérimentations au niveau de la perception des usagers), les experts français ont reconnu que la présence humaine demeurait indispensable, même si on remplace le chauffeur.
Alors, que faire ? Il est clair qu'il y a une dynamique en faveur du véhicule connecté et autonome, avec une lettre d'intention signée par 29 pays (sauf la Grande-Bretagne, mais avec la Suisse) pour tester à grande échelle la 5G et le véhicule autonome. La Commission le veut, tout comme les Etats-membres, les constructeurs, les équipementiers et les opérateurs télécoms. C'est pour eux une question de compétitivité, pour ne pas subir la loi des acteurs de la Silicon Valley.
La seule chose, c'est qu'il faut convaincre les usagers. Il faut les rassurer, en soulignant que ces véhicules vont les protéger et leur éviter de se fatiguer dans le trafic. Mais, il y a des craintes. Et l'annonce hier par l'ITF que le camion autonome pourrait se traduire potentiellement par la perte de 1,5 million d'emplois en Europe chez les chauffeurs routiers, va contribuer à les alimenter.
C'est pour cela qu'on parle d'une Europe qui semble déconnectée des réalités. Mais, il me semble, qu'elle a justement perçu ce qui est en train de se passer, et qu'elle souhaite prendre le taureau par les cornes. Chaque révolution a contribué à faire disparaître des emplois, qui ont été compensés par de nouvelles compétences et de nouvelles opportunités.