Alors que la mairie de Paris annonce le lancement lundi prochain de l'expérimentation d'une navette autonome sur le pont Charles-de-Gaulle, pour faire une liaison entre les gares de Lyon et d'Austerlitz (non reliées par un mode de transport direct), un rapport de l’Union internationale du transport public (UITP) appelle les décideurs à anticiper l'arrivée de ces nouveaux moyens de déplacement. Il faut dire que les essais se multiplient un peu partout dans le monde.
Par exemple, la RATP, Transdev et Keolis testent chacun, dans des sites fermés et dans plusieurs villes de l’hexagone (dont Lyon et Rouen), mais aussi aux Etats-Unis, des navettes autonomes conçues par les français Navya et EasyMile. Le premier fabricant a fait rouler sa navette à Las Vegas du 11 au 20 janvier, le second va opérer un road trip entre le 26 janvier et le 9 février, d'Atlanta (Géorgie) à San José (Californie).
Au passage, précisons que Keolis a mis des billes dans Navya et qu'Alstom vient de débourser 14 millions d'euros pour entrer chez Easymile*.
L’opérateur ferroviaire allemand Deutsche Bahn s'intéresse également aux véhicules autonomes. Il imagine des voitures et des bus pour transporter les passagers, en plus des trains qu'il veut automatiser. Les Pays-Bas et la Suisse testent aussi des navettes. Pour sa part, Dubaï veut que 25 % de son réseau de transports soit assuré par des moyens autonomes d’ici à 2030.
On peut lire dans le rapport que "l’arrivée de véhicules sans chauffeur représente une opportunité unique de changer fondamentalement la mobilité urbaine..., mais uniquement si les autorités et les compagnies de transport public jouent, dès à présent, un rôle actif et intègrent les véhicules autonomes dans le réseau de transports en commun". L'UITP se pose plusieurs questions. Selon la manière dont ils seront régulés et utilisés, ces conduiront-ils à avoir encore plus de voitures sur les routes, plus d’étalement urbain et d’embouteillages ? Ou, au contraire à mettre en forme des villes durables, à reconquérir des espaces urbains, à avoir moins de véhicules sur les routes et une meilleure qualité de vie ?
Là est toute la question. Le rapport s'interroge également sur les suppressions d'emplois des chauffeurs. Il agite par ailleurs la menace d'acteurs privés (Uber, Google, Amazon, des constructeurs automobiles) qui joueraient le rôle de transporteurs urbains avec une perte d'influence des autorités publiques.
Mais, si on réfléchit à l'impact en matière d'urbanisme, les taxis ou minibus autonomes permettraient de renforcer le réseau de transports en commun, de vélos et voitures partagés, permettant de desservir des zones pauvres en transports publics, remplaçant la voiture particulière et réduisant ainsi la circulation et le besoin en parkings, ce qui permet de regagner des espaces urbains. L’UITP appelle donc les autorités publiques à préparer le cadre réglementaire de l’arrivée des véhicules autonomes, à prendre des mesures pour limiter la circulation de véhicules avec un seul occupant, et à permettre aux opérateurs de transports de mener des expérimentations.
*Qui a été absorbé récemment par Robosoft, acteur historique de solutions de robotisation pour les navettes sans conducteur, alors que la société était jusqu'à présent une joint-venture entre Ligier et Robosoft (via Wiles Venture, une société basée à Singapour qui détient 100 % de ses actions).