vendredi 6 février 2015

Le pétrole bon marché peut-il influer sur la mobilité durable ?

J'ai assisté hier au colloque Panorama, organisé par l'IFPEN. Alléché par l'affiche, qui promettait de traiter la mutation du secteur automobile, je pensais apprendre certaines choses. Autant vous dire que cela n'a pas été le cas (et mes confrères ont été assez affligés par le niveau). Par contre, c'est toujours intéressant d'avoir un tour d'horizon de l'énergie. Et c'est ainsi que les visiteurs ont appris que le pétrole allait (un peu) remonter, avec un prix du baril qui devrait évoluer entre 50 et 75 $, et que la croissance allait être essentiellement tirée par le secteur des transports (dont en bonne partie l'automobile) d'ici 2040.

Ce que je retiens de ce colloque ? L'énergie est meilleur marché pour un tas de raisons (dont le gaz de schiste américain), même si cela ne va pas durer, et cela explique pourquoi les américains achètent massivement en ce moment des SUV. Il est clair que le carburant bon marché n'incite pas à faire des efforts pour rouler plus propre.

Dans ces conditions, on peut se demander si le travail réalisé par l'industrie française, avec le programme 2 L/100 km a vraiment un sens pour le client final, sachant que les moteurs progressent également dans leur ensemble. Il a été question de ce plan, avec une présentation de Gaspar Gascon, le directeur de l'Ingénierie de Renault. Lequel a rappelé que l'objectif est d'être deux fois plus ambitieux que la réglementation prévue à l'horizon 2020. Un pari isolé ?

Pas sûr, car, comme l'a rappelé Louis Gallois, le Président du conseil de surveillance de PSA Peugeot Citroën*, il y a une convergence des normes environnementales en Asie, en Amérique et en Europe. La Chine sera selon lui le pays où la voiture électrique va se développer, car la pollution atmosphérique est devenue un problème politique majeur.


Un mot sur l'hydrogène, car le divin chauve (c'était le surnom de Barthez, mais je trouve que ça lui va bien aussi) en a encore parlé, en citant l'exemple de Toyota qui lance la Mirai. Bien entendu, il ne s'exprimait pas au nom de PSA. Mais, il a réaffirmé que les blocages technique seraient sans doute levés, dont celui de la production d'hydrogène. J'ai pu mesurer, en écoutant la réaction du Président de l'IFPEN, à quel point les fameuses élites ne connaissaient rien à l'hydrogène. N'ayant qu'une expérience qui remonte à l'an 2000 au Japon, Olivier Appert a mis en doute le lancement en série de Toyota (ben tiens, il n'a pas entendu parler des nombreuses commandes) et moqué au passage la décision du département de la Manche de tester ce type de mobilité, avec une station de distribution. La méconnaissance du sujet et le mépris qu'affichent nos "experts" provoque toujours moi une certaine consternation.

Toujours à propos d'électromobilité, la directrice générale de l'IFSTTAR a - dans le cadre d'une présentation quelque peu brouillonne - fait une révélation très intéressante. Elle a expliqué qu'il n'y avait pas vraiment de transfert entre l'automobile et le vélo électrique, mais que ce moyen de déplacement était surtout utilisé par des usagers de transports en commun (autrement dit, des adeptes des nouvelles mobilités et donc plus faciles à convaincre).

Pour faire évoluer les comportements, il faut donc agir sur d'autres paramètres. Ces solutions sont peut être plus simples qu'il y paraît. Ainsi, l'IFSTTAR a évoqué l'organisation du covoiturage privé par des parkings-relais sécurisé, le recours à des voies dédiées pour les véhicules partagés, le décalage des horaires de travail et le recours au télétravail (encore peu pratiqué, car il donne le sentiment que les gens ne font plus rien chez eux).


Le numérique pourra peut-être changer les choses, à commencer par le véhicule connecté (facilitant la recherche de parkings et les connexions avec les autres moyens de transport) et à plus long terme les véhicules sans chauffeur (Google et Uber ont été cités), qui seraient plus économes et plus sûrs. Les nouvelles générations, qui ont un rapport plus distant avec l'automobile (et qui sont moins attachées à la possession), seront sans doute plus enclines à faire jouer la concurrence et la complémentarité des modes au moyen du smartphone.

En résumé : on a eu droit à "la voiture propre pour les nuls" et quelques considérations statistiques sur la place de l'automobile dans la mobilité. C'était donc très décevant. Mais, on peut toutefois télécharger quelques notes de synthèse, disponibles sur le site de l'IFPEN. Elles traitent par exemple de l'évolution des mobilités, du marché des véhicules urbains dans le monde et des biocarburants de seconde génération.

*Pas moins de 17 représentants de ce groupe étaient là aussi. C'était le plus gros contingent, sur une audience d'environ 400 personnes inscrites. A part bien sûr la trentaine de membres de l'IFPEN, qui organisait l'événement.