jeudi 10 décembre 2015

Alliance Renault-Nissan : quel bilan dans l'électrique à l'heure de la COP21 ?

Au cours de la semaine, j'ai participé à des rencontres et autres conférences organisées par Renault et Nissan. Il est vrai que l'alliance est partenaire de la COP21 et que 200 véhicules ont été déployés entre Paris et Le Bourget pour transporter les délégués accrédités. Ces derniers ont découvert pour la plupart ce qu'était un véhicule électrique et ont utilisé ce mode de transport (que certains croyaient payant). Et ce sont des salariés qui ont donné aussi de leur personne, dont le responsable presse de Nissan France, Grégory Nève, qui a servi de chauffeur pendant plusieurs jours. Mais, au-delà de ces anecdotes, que faut-il retenir sur le pari de l'électrique ?

La gamme de véhicules


J'ai commencé lundi soir par un dîner à l'atelier Renault avec divers responsables de la marque au losange, dont Eric Feunteun qui dirige désormais le programme VE, en remplacement de Béatrice Foucher. Voici pêle-mêle les principales infos.

D'abord, il n'est pas question dans l'immédiat d'élargir la gamme ZE. Renault compte 4 véhicules (en intégrant la Fluence ZE qui a été recyclée en Corée et qui va arriver en Chine, et bien sûr le Twizy qui se vend à 3000 ex par an) et l'objectif est de les vendre dans plus de pays (Australie, certaines zones en Amérique du Nord). En fait, il faut savoir que le constructeur français réalise 50 % de ses ventes en France. Un pays où on se montre encore très généreux, mais dont les aides vont forcément baisser un jour. Renault mise sur un rebond de la ZOE en 2017, avec une batterie LG qui va doubler l'autonomie. C'est un élément qui pourrait constituer un déclic. En attendant, il n'y a pas de Twingo électrique à attendre. Un tel modèle pourrait cannibaliser le modèle phare de la marque. Mais, le moteur électrique maison va en revanche être utilisé par Daimler pour la Smart ED. A l'horizon 2020, un de mes interlocuteurs a évoqué 6 modèles dans la gamme, peut-être 7.

Pour l'anecdote, Tesla - qui a dépassé Renault au niveau mondial - est en train de faire les mêmes volumes en Europe. Et ça, c'est mal perçu. Je pense qu'à terme, et pour faire le lien avec la F1 où Renault revient, une sportive électrique aurait du sens.

Il faut savoir aussi que la marque étude aussi un Master électrique afin de répondre à une certaine demande.


Chez Nissan, on n'est pas pressé non plus d'élargir la gamme. La Leaf reste le best-seller (près de 200 000 ex) et a d'ailleurs célébré ses 5 ans à l'occasion de la COP21. Elle aussi bénéficiera d'une autonomie doublée en 2017. Sinon, la gamme ne comprend que deux modèles avec la e-NV200 (trois si on compte le Twizy dont quelques exemplaires roulent au Japon et avec un badge Nissan). La courbe des ventes n'ayant pas atteint les objectifs, avec des ventes qui baissent même au Japon, on temporise l'introduction de nouveaux modèles.



Des usages nouveaux

Nissan a livré plus de 550 taxis électriques en Europe, ce qui en fait le leader sur ce marché. Le dernier contrat en date concerne la livraison de 65 Leaf taxis auprès de la société Green Lite Taxi à Budapest, en Hongrie. Tout a commencé à Amsterdam en 2011. Depuis, le mouvement s'est étendu à Stockholm, Prague, Barcelone, Rome, etc.). L'e-NV200 Evalia se partage les commandes avec la Leaf.

Bonne nouvelle : la Chine veut se doter de 300 000 taxis électriques en 2020. Un coup à jouer pour Nissan ?


La recharge intelligente

Pendant la COP21, un accord a été signé entre Renault et Eneco, un fournisseur d’énergie néerlandais. Cet acteur a développé une application de recharge intelligente pour ZOE, qui permet
de réduire de 15 % les coûts et au passage de charger la voitures avec une énergie renouvelable.

Nissan a une offre équivalente avec la CNR (Compagnie Nationale du Rhône).


Vehicle to grid

Au sein de son Pavillon COP21, aménagé à deux pas de l'Hôtel Matignon, en plein Paris, Nissan a beaucoup communiqué sur le Vehicle to Grid. Ce mode permet au client de contrôler sa consommation énergétique et, ainsi, d’éviter les pics tarifaires, tout en bénéficiant d’une source de revenus additionnels lors des périodes de fortes demandes. Au moyen d’un double chargeur et d’un système de gestion de l’énergie développé par Nissan en partenariat avec ENEL, les propriétaires de la Leaf peuvent utiliser chez eux l’électricité stockée dans la batterie lorsque les coûts sont plus élevés, ou réalimenter le réseau en bénéficiant de revenus supplémentaires. Malheureusement, cela n'est pas possible en France.


Ce thème a fait l'objet d'une table ronde. On a appris ainsi qu'au Danemark, le V2G peut rapporter jusqu'à 1250 € par an.


La charge rapide

Nissan est en pointe sur ce dossier. Le constructeur a dépensé 10 millions de dollars pour financer l'installation de bornes permettant de recharger en 30 mn. Elles sont compatibles avec les normes ChaDeMo et Combo. J'ai appris hier que l'on comptait 6000 bornes de ce type au Japon. Toujours à propos d'infrastructure, la Chine vise 800 bornes rapides sur les autoroutes à l'horizon 2020.


L'induction

Nissan a aussi développé un chargeur par induction de 7 kWh. Celui-ci pourrait facilement s’associer aux plus grosses batteries – comme le pack de 60 kWh actuellement en développement au centre de recherche avancée Nissan d’Atsugi (et installé à bord du concept IDS du salon de Tokyo).

Voir le teaser vidéo.



La seconde vie des batteries

Lorsque les batteries de véhicules électriques ne sont plus assez performantes et voient leur capacité descendre à environ 75%, elles sont réutilisées. La start-up CARWATT* développe des applications embarquées pour valoriser ces batteries dans des véhicules utilitaires urbains d’occasion. Un Trafic électrique a été présenté ces derniers jours au Bourget (à la Galerie by WE) avec des batteries lithium-ion.


Pour sa part, Nissan annonce la signature d’un partenariat avec Eaton, spécialiste en gestion de l’énergie. Il va se traduire par la création de centres de stockage de l’énergie pour des applications stationnaires.

Voir l'album photo de Nissan. Et ici la vidéo.


L'hydrogène

Difficile de ne pas poser la question, alors que Toyota et Honda avancent clairement. J'ai trouvé Renault assez à côté de la plaque, en parlant d'une technologie qui n'est pas mûre. Pourtant, des Kangoo ZE sont équipés d'un range extender de SymbioFCell qui les rendent plus attractifs pour des flottes d'entreprise. Chez Nissan, le responsable des véhicules électriques au niveau global, Robert Lujan, a indiqué que le constructeur japonais étudiait aussi la piste de l'hydrogène. Il a évoqué le partenariat toujours en cours avec Daimler et Ford. A ce stade, il ne s'agit encore que d'études. M. Lujan a aussi rappelé que Nissan participe, tout comme Honda et Toyota, à un effort commun de construction de stations à hydrogène au Japon. Mais, l'hydrogène reste une option à plus long terme.


*Fondée par Gérard Feltzer, l'expert de l'aéronautique qui s'intéresse par ailleurs à la mobilité.