Par deux communiqués assez laconiques, Renault a réagi à l'annonce d' un éventuel rapprochement avec Fiat Chrysler Automobiles (FCA). La marque au losange a d'abord confirmé avoir reçu une offre, puis a indiqué que le Conseil d’administration de Renault devait se réunir afin d’examiner la proposition concernant une potentielle fusion à 50/50. Une proposition qualifiée d'amicale. On connaît la suite : le Conseil d’administration de Renault a décidé d’étudier avec intérêt l’opportunité d’un tel rapprochement, "confortant l’empreinte industrielle du Groupe Renault et générateur de valeur additionnelle pour l’Alliance". Alors qu'un mariage semblait possible entre PSA et FCA, c'est donc Renault qui pourrait récupérer la mise. Ce qui a pour effet de mettre une grosse pression sur Nissan.
L'allié japonais de Renault est dans une mauvaise passe en ce moment. Il est fragilisé par ses mauvais résultats et le DG de Nissan - celui qui a fait tomber Carlos Ghosn et qui ne veut pas entendre parler de fusion - est plus près de la porte que de l'augmentation. Je ne pense pas que l'alliance puisse voler en éclats. Elle donne des résultats et semble irréversible. Par contre, Renault peut faire valoir qu'il a un partenaire potentiel et qu'il pèsera à l'avenir plus lourd que Nissan. La paire Renault-FCA représenterait à elle seule près de 9 millions de véhicules par an. Ce qui en ferait le troisième constructeur mondial. Nissan a tout intérêt à rester dans cet ensemble, car le cumul atteindrait 15 millions de véhicules. Et l'alliance serait indiscutablement le premier groupe mondial devant Volkswagen.
Sur le papier, Renault est plutôt en position de force. C'est lui qu'on vient chercher. Il pourrait faire profiter à FCA de son expertise dans le domaine de la voiture électrique. La pression européenne sur le CO2 oblige Fiat à électrifier très vite ses gammes et il peut trouver la technologie chez Renault. On peut souligner au passage que la ZOE se vend autant en France que la 500 ou la Panda. L'autre intérêt est que la marque italienne (qui va proposer à terme la 500 uniquement en version électrique) pourrait aussi proposer du low cost électrique, en exploitant une fois de plus le savoir-faire de son partenaire français (mini SUV City-K ZE en Chine sur la base de la Kwid).
La fusion pourrait aussi représenter un avantage pour couvrir les frais liés à la voiture autonome. Comme on peut le voir, l'heure est plutôt au partage des coûts. Et de ce côté-là, BMW et Daimler ont décidé de faire route commune. Pour le moment, FCA n'a pas vraiment choisi. Il a à la fois un pied chez Waymo (la filiale de Google, à qui il fournit des Chrysler Pacifica) et chez BMW au sein du consortium qu'avait initié ce dernier. Mais, en cas de fusion, quelle technologie serait partagée ? Celle mise en place avec l'aide de Nissan, qui a commencé à travailler plus tôt sur le sujet ? Pas si simple.
FCA estime qu'environ 40 % des synergies proviendraient des économies réalisées sur les achats, 30 % sur l'efficacité de la recherche et du développement et 20 % de la fabrication et de l'outillage. Le groupe italo-américain fait valoir par ailleurs qu'il a l'habitude des fusions et des alliances (avec GM, l'historie s'est quand même mal terminée).
En matière d'image, je suis un peu moins convaincu. Si le portefeuille de marques va jusqu'à Maserati et comprend aussi Alfa Romeo, Jeep est très exotique (la Renegade est 69e dans le top 100). Renault, qui compte déjà Dacia et Lada (il ne faut pas l'oublier) dans son escarcelle, serait davantage comparé à Fiat qu'à Alfa. Si le deal se fait et que Nissan rejoint cet ensemble, la cohérence ne sera pas aussi forte que chez Volkswagen, qui couvre davantage tous les segments et va jusque dans l'hyperluxe.
Ferrai est à part de ce projet de fusion.
En résumé, la demande de FCA constitue un effet d'aubaine pour Renault. Le constructeur français va sans doute en profiter pour négocier avec Nissan. Il y aura de toute façon un perdant dans l'histoire et qui perdra un peu de son indépendance.