La Bourse n'a pas été impressionnée, ceux qui connaissent un peu le sujet non plus. Alors que les acteurs qui travaillent sur la voiture autonome depuis des années, et qui ont engrangé de l'expérience sur des milliers, voire des millions (et même des milliards en virtuel pour Google) de km reconnaissent qu'on n'y est pas encore, Tesla dit qu'il a la solution. Une puce maison, et en voiture Simone. Et puis ce n'est pas pour dans 5 ans, non... C'est pour 2020 avec potentiellement un million de voitures qui pourront être louées sans chauffeur via une plateforme sur laquelle la firme californienne prélèverait des commissions. Un calendrier totalement irréaliste.
Ce type d'annonce va à l'encontre de toute logique. Il ne suffit pas d'avoir une puce de compét' pour rendre une voiture autonome. Il faut des capteurs performants (à ce propos, Tesla n'utilise pas de lidars et n'a pas prévu à ma connaissance d'avoir une communication en V2X) avec une certaine redondance et surtout des retours d'expérience. Ce n'est qu'à l'issue de sessions intensives de roulage, dans des pays différents et avec des scénarios de conduite très divers, que l'on peut affiner les algorithmes.
A-t-on vu des Tesla autonomes ailleurs qu'en Californie ?
Les geeks qui acclament Elon Musk comme le Christ ne savent peut-être pas que des robots-taxis tournent déjà à titre expérimental. On peut en voir à Singapour, à Las Vegas (avec Lyft et Aptiv), à Phoenix dans l'Arizona (service de Waymo), ce sera le cas dans quelques mois à San José en Californie (avec Daimler et Bosch) et on en trouve même en France. Oui, oui, il y a des ZOE autonomes qui tournent actuellement en banlieue de Rouen. Ces expérimentations se déroulent avec une présence humaine derrière le volant, au cas où... Et il y a encore beaucoup à faire avant de laisser rouler ces véhicules sans chauffeur. A ce propos, on ne sait pas si Tesla a prévu de pouvoir contrôler à distance les robots-taxis.
Elon Musk est coutumier des annonces fracassantes. En 2016, il disait qu'une Tesla pourrait traverser en mode autonome les Etats-Unis en 2017 (ce qu'a fait dès 2015 un prototype de l'équipementier Delphi). Là, il promet aussi de construire des Tesla sans volant ni pédales. Sur ce dernier point, il faut savoir que la NHTSA (administration des routes fédérales) a lancé une consultation, suite à une demande qui a été faite par deux acteurs dont General Motors. Ce constructeur, qui a une filiale dédiée, Cruise, pense effectivement que les robots-taxis pourraient avoir une autre apparence. Mais, il faut que la législation autorise cette véritable rupture.
La période du buzz est un peu passée et il y a eu quand même quelques accidents qui ont laissé des traces (ceux de Tesla avec l'Autopilot entre autres et la collision mortelle avec un véhicule équipé par Uber). Avant de donner le feu vert, il faudra des garanties.
A mon avis, c'est une rodomontade de plus d'Elon Musk pour sauver sa boîte. Mais, à force de promettre l'impossible, il perd toute crédibilité. Et plus grave, il risque de nuire aussi aux efforts que font les compétiteurs sérieux pour assurer une sécurité maximum dans le transport autonome. La première Tesla sans chauffeur qui tuera son passager achèvera de dissuader définitivement le grand public de faire confiance à de tels véhicules.