mardi 30 septembre 2014

Voiture connectée et autonome : faut-il avoir peur de Google ?

Dans un livre présenté ce matin à la presse, mais que j’ai pu lire en avant-première, Franck Cazenave de Bosch France s’interroge sur l’hégémonie de Google, qui, non satisfait d’envahir nos ordinateurs et nos smartphones, s’apprête à prendre place dans l’habitacle des voitures. « Stop Google », paru aux éditions Pearson, retrace l’historique du géant de l’Internet et explique pourquoi les Etats et les industriels devraient le considérer comme un Big Brother en puissance. Et pourquoi l’industrie automobile doit impérativement réagir.



Avec une publication à la veille du Mondial de l’Automobile, où il sera question de systèmes d’aide à la conduite et un peu de voiture autonome, le livre devrait trouver un certain écho. C’est en tout cas un ouvrage bien ficelé, documenté et qui permet de bien appréhender la galaxie Google. Car, la firme de Mountain View est bien plus qu’un moteur de recherche. Elle a son propre navigateur Internet (Chrome), un OS qui est majoritaire dans les smartphones (Android), son propre logiciel de cartographie (Google Maps), des contenus vidéos (Google TV et YouTube), des lunettes connectées (Google Glasses)… et une puissance financière considérable qui lui permet de se hisser à chaque fois en position dominante. Ce que nous raconte Franck Cazenave, c’est que Google connaît déjà presque tout de nous et n’a en fait qu’une seule ambition : collecter toujours plus de données sur ce que nous faisons pour les vendre à des fins publicitaires. Et nous serons épiés toute la journée, vu la prolifération d’objets connectés de la montre au frigo intelligent.


Le rapport avec l’automobile ? Déjà présent dans les services connectés avec la recherche locale par Google, la firme va entrer par la grande porte avec son standard Android Auto, porté par l’Open Automotive Alliance qu’ont adopté 25 marques. Les clients pourront retrouver sur l’écran de bord leurs services familiers, dont la musique et la navigation par Google Maps (avec des points d’intérêt qui pourront nous être suggérés en fonction de notre profil). Et c’est un danger pour les marques automobiles, qui risquent de voir Google capter des données sur leurs clients.


L’autre domaine, c’est bien sûr celui de la conduite automatisée. Grâce à son expertise (25 véhicules en test, bientôt 100 de plus) et aux nombreux brevets qui sont déposés, Google pourrait devenir à terme incontournable. Ce que pointe Franck Cazenave, c’est que le géant de l’Internet pourrait devenir un fournisseur de logiciel pour le pilotage des systèmes embarqués et de cartographie dynamique (un super Google Maps en 3D avec une précision de l’ordre du millimètre). Mais, il y a pire : notre expert de Bosch pense que l’ambition de Google est de « tuer » les constructeurs automobiles » en faisant la promotion des mobilités alternatives. Au lieu d’être propriétaire de leur voiture, les gens pourront demain profiter de véhicules autonomes, proposés en guise de VTC par des acteurs comme Uber (dont Google est actionnaire). Et tout passera par le smartphone, Android bien sûr, qui fera passer l’auto par les magasins et les lieux sur lesquels la firme touche des royalties, en échange de la visibilité qu’elle donne sur ses canaux.


Pour l’industrie automobile, la seule façon de s’en sortir est de ne pas donner toutes les clés à Google. Certes, il y a Apple (avec CarPlay) et Samsung (avec Tizen) qui peuvent rivaliser avec ce géant si menaçant. Mais, le mieux serait de créer une alliance entre constructeurs pour créer une plateforme alternative et ouverte. Elle existe déjà en partie avec MySPIN, le système que Bosch propose aux constructeurs (Jaguar est le premier à l’avoir adopté) et qui, indépendamment de l’OS du téléphone, permet de proposer des services à bord et de préserver la relation directe avec le client.


Ce que j’en retiens : les geeks qui se félicitent de ce que fait Google n’ont sans doute pas conscience de son rôle de prédateur, qui rachète des sociétés pour les dépouiller de leurs brevets (voir l’exemple de Motorola) et décime des emplois de l’économie réelle. Je ne crois pas à la fable de la gentille compagnie californienne qui veut épargner des vies sur la route, mais plutôt à la vision plus sombre d’un monde où ne serions qu’un paquet de données, vendu au plus offrant et mettant à disposition notre temps de cerveau disponible pour faire autre chose que conduire (consulter des services de Google par exemple). Jamais dans l’histoire de l’humanité, une compagnie n’aura eu autant de pouvoir et surtout une telle connaissance de ce que nous sommes. Peut-on encore l’accepter ?

Mes regrets : ne pas être cité dans les sources (alors que je sais que Franck est un lecteur fidèle de mon blog) et ne pas avoir eu l’idée plus tôt de ce type d’ouvrage. Mais, cela m’a donné envie de me lancer dans un autre projet.