samedi 17 août 2013

Réflexions sur l'incompétence à la française : la voiture électrique

Suite et fin de ma série sur les échecs, désillusions et autres tentatives ratées. Je vais donc conclure sur la voiture électrique. A part la blogosphère militante, l'Avere France et notre ministre du Redressement Productif, tout le monde finit par se rendre compte que le marché ne décolle pas. Et ce, malgré une très forte incitation fiscale et avec un prix des carburants relativement haut. Comme d'habitude, nos élites ou prétendues telles pensent qu'il suffit de proposer des voitures propres pour que les français les achètent. Par arrogance et imprévoyance, voici comment le beau château de cartes monté pour l'opinion a fini par s'écrouler.



Champion du monde ! C'était bien l'objectif fixé au départ. Nous sommes en 2008 au Mondial de l'Automobile et Nicolas Sarkozy annonce un plan pour le « véhicule décarboné » avec une enveloppe de 400 M d'euros. L'objectif est de mettre en place une filière française et de préparer le marché, à la fois en garantissant l'achat de véhicules (commande groupée de 100 000 véhicules d’ici 2015 avec les grandes entreprises, l’administration et les collectivités.) et en investissant dans l'infrastructure (plan annoncé deux ans plus tard). Les chiffres sont grandiloquents : on parle de deux millions de véhicules décarbonés et de quatre millions de prises de recharge pour l’horizon 2020. Les effets d'annonce vont se multiplier.


Retour sur terre. Depuis la commercialisation des premiers modèles à l'automne 2010 (cela fera bientôt trois ans), le marché a été plus que poussif. On est loin des 60 000 véhicules prévus pour 2012. Certes, les immats sont deux fois plus importantes que l'an dernier, mais quand on part de zéro cela ne veut pas dire grand chose. Même la Zoé, qui est le fer de lance de l'offre de Renault, n'arrive pas à percer vraiment, malgré des volumes plus conséquents que les autres modèles. Tout ça pour ça ? Cela n'empêche pas certains de proclamer qu'on est champion du monde. Numéro en Europe serait plus juste, mais c'est une bien maigre consolation sur un marché aussi fragile.


Le cap des 100 000 véhicules électrique atteint par l'alliance Renault-Nissan a été salué comme une victoire. C'est juste oublier que c'est un cumul sur trois ans et que 70 000 de ces véhicules sont des Nissan Leaf, le seul modèle d'envergure mondiale. On voit mal comment la promesse du 1,5 million de véhicules en cumulé à l'horizon 2016 va être tenue.


La filière française ? Oubliée. Certes, la Zoé est faite à Flins et à partir de l'an prochain, Renault va produire ses moteurs électriques dans l'hexagone, mais les batteries sont coréennes. Et à ce propos, on n'entend plus parler de l'usine qui doit se faire avec LG et en coopération avec le CEA (2017 et où ?, cela dépendra des volumes). D'autres exemples ? Dassault a cédé ses brevets dans les batteries à Dow Kokam. Saft est ignoré par les seuls constructeurs et le seul autre acteur est Bolloré, qui tente de convaincre les industriels de prendre sa batterie, fort du succès d'Autolib'. Quant aux petits constructeurs, ils vivotent à l'exemple de Mia et de Lumeneo.


L'infrastructure ? Les 50 millions promis en 2010 n'ont jamais été dépensés du temps de Sarkozy et ont été réactivés à l'été 2012 avec le lancement de la mission Hirzman. Un consortium, le GIREVE*, a pour but de recenser les bornes et de préparer des services (paiement, localisation) avec une plateforme informatique. L'infrastructure de charge publique, parent pauvre du véhicule électrique, bénéficie heureusement des bornes mises en place par Bolloré (plus de 4000 bornes pour Autolib', 6500 à terme et d'autres qui vont être déployées à Lyon et Bordeaux) et tous les acteurs impliqués dans l'autopartage (Veolia, Ineo...). L'autopartage électrique est le seul point positif de ce mirage collectif, avec un concept qui a trouvé son public et qui permet d'éduquer les consommateurs.


Comment ne pas relever, au passage, que la France qui militait pour la prise de type 3, s'est faite coiffer sur le poteau par l'Allemagne qui a réussi à imposer la prise de type 2 au niveau européen ? Il va falloir installer des adaptateurs pour se conformer aux normes.


Et demain ? Nos constructeurs nationaux seront-ils de taille pour rivaliser avec tous les autres industriels qui arrivent sur le marché avec une offre plus élaborée (voir la série de posts sur la BMW i3). Ont-ils la technologie adéquate ? Comment vont-ils se positionner sur l'hybride rechargeable et sur l'hydrogène ? Avec d'une part le pari risqué de Renault sur le tout électrique et d'autre part les errements de PSA qui a mis fin à une joint venture très prometteuse avec BMW (BPCE), la France n'est pas forcément la mieux armée.

*Groupement pour l'Itinérance des Recharges Électriques de Véhicules, dont les actionnaires sont la Caisse des Dépôts, la Compagnie Nationale du Rhône, EDF, ERDF, et Renault.