jeudi 25 juillet 2019

Que faut-il penser de la route solaire ?

Cela fait un peu désordre... Le conseil départemental de l’Orne, où a été implantée en 2016 une route solaire - longue d’un kilomètre sur une départementale - a reconnu qu’il s’agissait d’un échec en termes de production d’énergie. Non seulement la promesse de rendement n'est pas au rendez-vous (de décembre 2016 à mars 2019, la production s’est élevée à 229 MWh, alors que les prévisions portaient sur 642 MWh), mais la route Wattway de Colas n'a pas résisté non plus au passage des véhicules. Les panneaux solaires se sont usés plus rapidement que prévu, à tel point qu'il a fallu limiter la vitesse à 70 km/h. Bref, ce n'est pas glorieux alors que le concept avait été accueilli avec enthousiasme lors de la COP21.

 En décembre 2016, l'inénarrable Ségolène Royal, qui était alors ministre de l’Environnement, avait inauguré cette portion de route solaire à Tourouvre, un village de 1 500 habitants dans le Perche. L'opération était financée par l’Etat (5 millions d’euros hors taxe). Et elle annonçait dans la foulée un déploiement national de cette technologie. Je me souviens à l'époque avoir dit à un responsable de Colas : "et vous la croyez ?".

Concrètement, la route va être déconstruite d’ici à la fin de l’année et la filiale de Bouygues va remettre des panneaux de nouvelle génération plus résistants. La nouvelle route sera aménagée sur une portion réduite, longue de 400 mètres.

Ce n'est pas la fin de ce concept, qui a été primé au CES de Las Vegas (Wattway s’est hissé à la seconde place du prix « Smart City » et le jury lui a également attribué le second « grand prix du jury », au sein du village francophone). Plus récemment, un nouveau site pilote a été aménagé dans le sud de la France. 66 m² de route solaire ont été installés sur une aire de covoiturage à Narbonne Sud (autoroute A9, sortie 38). La technologie a été déployée sur plusieurs sites, en France comme à l'international.

La production d'énergie à partir de la route est un concept étudié depuis déjà un certain nombre d'années. Il est au coeur par exemple de la route de 5ème génération élaboré par l'IFSTTAR. L'un des concurrents de Colas, Eurovia, a d'ailleurs développé une technologie comparable, avec Power Road. Dans le cadre de ce projet, soutenu par le Programme Investissements d’Avenir (PIA) de l’Ademe, l’énergie, captée à partir des rayonnements solaires, peut être stockée puis restituée, en circuit court, aux bâtiments et aux infrastructures environnants (résidences, immeubles de bureaux, éco-quartiers, piscines, etc.) via un système de pompes à chaleur. Le système est par ailleurs réversible. L’énergie solaire thermique ainsi récupérée peut également être utilisée pour déneiger et déverglacer les voiries ou les pistes d’aéroports, avec l’avantage de réduire les interventions de salage. En été, le captage de chaleur en surface permettrait aussi de refroidir les chaussées.

En cette période de canicule, où le soleil ne manque pas, on attend de voir émerger ces solutions.