mercredi 16 mai 2018

Véhicules autonomes : passer du storytelling à une communication plus responsable

Quand j'ai animé la conférence de présentation de la stratégie nationale sur le véhicule autonome, lundi au ministère de la Transition Ecologique et Solidaire, plusieurs intervenants ont vivement combattu l'idée selon laquelle le match était plié d'avance faveur des GAFA. Cela a été le cas de Bruno Le Maire*, mais aussi de Mounir Mahjoubi, d'Anne-Marie Idrac et de Luc Chatel. Tous ont souligné que la France avait des industriels de qualité (c'est d' ailleurs un point que j'ai souligné hier matin sur RTL, quand j'ai été interrogé à ce propos). Et l'autre point qui a été souligné, cette fois par Anne Lavaud de La Prévention Routière, est que les français ont une perception faussée du véhicule autonome, en raison de l'image qui est renvoyée par la Silicon Valley.
A travers son think tank sur le véhicule autonome, UNIR (Une nouvelle idée de la route), la PR a mené une étude sémantique et sémiologique sur des millions de documents issus notamment des réseaux sociaux. Le constat est sans appel : les français s'imaginent demain monter dans une Google Car, à moins que ce ne soit un véhicule d'Uber. Pourquoi ? Parce qu'on relaie sans filtre des infos rédigées à la base par des américains qui ne s'intéressent qu'aux acteurs de leur pays.

Et ici, je vais dénoncer un certain nombre de mes confrères, en particulier de la presse économique. Fascinés par des patrons qui se prennent pour des rock stars, et alimentés sous perfusion par des rapports rédigés par des analystes et des banques**, des médias influents vendent une belle histoire. Celle de géants du numérique tellement fortiches qu'ils vont passer directement au niveau 5 (s'il y avait un niveau 12, ce serait pareil), en écrasant l'industrie automobile. Le problème, c'est que des gogos y croient. Et ils attendent donc la voiture autonome promise avec la même ferveur que le disciple d'une secte.

C'est exactement le même délire que dans la voiture électrique, avec Tesla qui a bien sûr tout inventé (la Jamais Contente de 1899 ne compte pas) et Elon Musk qui est encore plus visionnaire que Steve Jobs (c'est qui au fait ce mec ?) et véritable Dieu vivant. Ce qui n'empêche pas ses voitures de se planter et de cramer.

Blague à part, il faut préparer l'opinion à un retour sur terre. Parce que ça ne va pas se passer comme ça. Peut-être qu'on croise des Google Cars dans l'Arizona (par contre, pour une Volvo Uber, ce n'est pas le moment....), mais la technologie de rupture a montré ses limites avec des accidents qui ont frappé l'opinion. Il faut donc communiquer de façon plus responsable, en expliquant que l'automatisation va être progressive. Il n'y aura peut-être pas d'effet "whaou", mais il est préférable de lever les réticences par des tests maîtrisés et des premiers services qui viendront renforcer l'offre des transports en commun (avec toujours quelqu'un à bord pour rassurer), avant de toucher le grand public.

Il y a une carte à jouer pour les industriels classiques (les dinosaures quoi, dans la novlangue des abrutis 2.0). Et dans ce schéma, les  acteurs français de l'automobile et de la mobilité n'ont vraiment pas à avoir honte. Ceux qui feraient mieux de se planquer, ce sont ceux qui les enterraient il n'y a pas si longtemps, dont beaucoup de crétins qui tiennent un blog.

Laissons la parole à ceux qui savent de quoi ils parlent. Et il y a plein de gens à écouter de ce côté-ci de l'Atlantique.


*Le ministre de l'Economie et des Finances m'a surpris en me prenant à témoin et en confiant qu'il a toujours rêvé d'être journaliste automobile, ce qu'il considère comme un "beau métier". Et Bruno Le Maire a déclaré qu'il aimait la voiture. C'est si rare de nos jours que je le souligne d'autant plus.
**Le matin même de la conférence, UBS sortait une étude qui disait en gros que Google allait tout balayer, que Renault-Nissan allait peut-être vendre deux ou trois voitures et que PSA allait pouvoir se coucher.