mercredi 6 avril 2016

Véhicules électriques : un Carlos chasse l'autre

Hier, j’ai assisté à la présentation du plan Push to Pass au siège du groupe PSA*. Pendant une heure, Carlos Tavares a déroulé une vision très intéressante du futur du constructeur automobile et de ses métiers (digital, véhicule connecté et autonome, services de mobilité) avec une approche planétaire. J’y reviendrai plus en détail demain. Mais d’abord, parlons un peu des énergies. Si le plan produit est ambitieux, avec 28 lancements en Europe d’ici 2021**, il tient compte également des nouvelles technologies. Ainsi, PSA prévoit de lancer 7 hybrides rechargeables et 4 modèles 100 % électriques. Un discours qui ne vous rappelle rien ?



L’engagement des 4 modèles électriques, je l’ai entendu de la part d’un autre Carlos. Lequel n’a pas réussi le hold up qu’il prévoyait de faire et qui va se retrouver avec une concurrence très affûtée en face, au moment où le marché va commencer à frémir. D’ailleurs la gamme des 4 véhicules se résume en fait à 2,5 (adieu la Fuence ZE, quant au Twizy c’est un produit saisonnier). Le Carlos que j’ai vu et entendu hier n’affiche pas d’ambitions délirantes (c'est peut être pour ça que les soi disant blogs spécialisés sont déçus). Il entend simplement répondre à l’évolution de la demande, avec les technologies qui s’imposeront. L’électrification en fait naturellement partie.


Pour avoir échangé après la conférence avec Gilles Le Borgne, le patron de la recherche du groupe, je peux vous apporter quelques infos complémentaires. Ce sera la remplaçante de la DS3 qui se déclinera en premier en version électrique. Plutôt que de lancer une silhouette spécifique comme l’ont fait Nissan et Renault (avec la Leaf et la ZOE), PSA préfère une approche plus rationnelle comme VW et Ford qui ont choisi de partir d’un modèle existant. C’est plus facile à amortir.

En l’état actuel des choses, rien n’est acté quant au choix de la technologie de batteries. On sait simplement que le groupe travaille avec son partenaire chinois Dongfeng sur l’électrique. La coopération avec Bolloré court sur l’autopartage, pas sur les batteries. Quant à la joint-venture avec Exagon au Québec, elle n’a pas de rapport avec les études en cours sur la gamme. Par contre, la capacité de développer une supercar électrique pourrait faire sens à plus long terme, surtout quand on sait que PSA se donne 10 ans pour revenir sur le marché américain.

En tout cas, les voitures feront au moins 300 km d'autonomie. C'est une certitude.

Lors de mon échange avec Gilles Le Borgne, nous avons évidemment évoqué le cas de Tesla et de son niveau de commandes record. Mais, comme d’autres constructeurs, PSA attend de voir comment la firme d’Elon Musk va s’y prendre pour faire du volume. Faire beaucoup pour pas cher est plus compliqué que de faire du haut de gamme.


Mais surtout, nous avons évoqué avec le patron de la recherche de PSA le vrai sujet du moment : la chute des ventes de diesel. Elle est plus rapide que prévu. C’est la conséquence d’un diesel bashing qui est plus accentué en France qu’ailleurs, mais qui est aussi vrai dans d’autres pays. Si le diesel continue de reculer, cela va poser des problèmes aux constructeurs. Et pas seulement aux français. Comme je l’ai déjà écrit sur ce blog, les allemands réunis au sein du VDA continuent de proclamer que le diesel est indispensable pour passer les seuils de CO2. A ce propos, j’ai appris que la moyenne de 95 g se traduisait dans les faits par une tolérance de 100 g pour Mercedes et par contre une exigence de 91 g pour PSA. C’est un calcul basé sur le poids moyen des véhicules.

Si pour des raisons commerciales le diesel est rejeté demain, cela ne sera pas conséquence. Cela veut dire qu’il faudra ajouter un moteur électrique sur les modèles à essence pour faire du mild hybrid et compenser les gains assurés jusqu’à présent par le mazout***. Gilles Le Borgne nous l’a redit : faire de l’électrique coûte plus cher. Et si on veut interdire demain les véhicules thermiques, il faudra aussi en supporter les conséquences : des véhicules plus chers (et qu’on ne pourra peut-être plus aider par des milliards d’argent public comme aujourd’hui).


En écoutant Carlos Tavares répondre aux questions des radios et télés, j’ai entendu comme une menace à peine voilée. Interrogé sur le maintien de l’emploi en France, le PDG de PSA a répondu que le niveau de production avait été bon en 2015, mais que cela allait dépendre pour la suite des performances des marchés européens. Et il a ajouté : « si on facilite l’utilisation des véhicules dans notre société ». Ce que j’ai traduit par « si on restreint les déplacements et que les gens n’achètent de voitures, ce ne sera pas la même histoire ». Les pyromanes qui continuent leur cabale irresponsable sur le diesel, dont Anne Hidalgo qui tente de faire croire qu’elle va l’éradiquer de Paris en 2020 (alors que de toute évidence les modèles Euro 6 pourront bien circuler), et qui entretiennent un climat autophobe (zones 30, etc….) devraient y penser à deux fois.


Je reviens donc aux annonces de Carlos Tavares du début. Les versions électrifiées (plug in et à batterie) seront proposées en complément des modèles thermiques, dont les motorisations essence et « diesel moderne » sont parmi les meilleures dans leur catégorie. Il ne s’agit pas de faire du green washing. Par contre, le patron de PSA ne craint pas la concurrence et prétend avoir les technologies pour proposer des voitures propres, connectées et autonomes. Autant de point sur lesquels je reviendrai demain.

*C’est le nouveau nom de PSA Peugeot Citroën qui s’accompagne d’un nouveau logo
**La gamme sera à terme de 34 modèles, dont 6 utilitaires (avec dans cette catégorie un pick up d’une charge utile d’une tonne)
***Un gain de 5 à 7 % sur la consommation, d'une génération de moteur à l'autre sans aide de l'électrification.