jeudi 7 janvier 2016

L'intégration du smartphone en voiture : si vous n'avez pas tout compris...

je suis toujours étonné de voir à quel point les journalistes soi-disant spécialisés et les blogueurs résument les annonces du CES à des guerres contre untel ou untel. Résumons : à Las Vegas, plusieurs acteurs (dont Ford et Fiat Chrysler) ont annoncé qu'ils adoptaient les deux standards majoritaires pour l'intégration des smartphones : CarPlay et Android Auto. Mais, il a suffit qu'on apprenne que Toyota avait décidé d'adopter un autre standard, développé à la base par Ford, le Smart Device Link, pour que ce revirement soit considéré comme une guerre contre Apple et Google... Encore une fois, la machine à buzz a généré une théorie du complot (auquel il ne manque peut-être que des aliens, des francs-maçons et allez savoir un pétrolier...) qui peut être balayée en quelques explications.



D'abord, qu'est-ce que SmartDeviceLink (SDL) ? C'est une plateforme Open Source destinée aux applications mobiles et à la connectivité embarquée qui permet de contrôler les applications par reconnaissance vocale et par les commandes de la voiture. Ford s'en sert pour l'écosystème AppLink, grâce auquel il peut proposer des applications* au sein de son système SYNC. L'interface a été développée avec l'aide de Livio (une start up rachetée par Ford en 2013) et présente un avantage non négligeable : celui de laisser le constructeur gérer les applications qui seront présentées au conducteur.

*Comme Spotify, iHeart Radio, etc...

Toyota, qui est en discussion avec Ford depuis 2011 sur la télématique embarquée, a souhaité faire des tests en 2015 en vue d'adopter ce protocole. Son choix est fait, c'est oui. Ford a annoncé au CES que d'autres constructeurs, tels que le groupe PSA (qui confirme explorer des synergies par rapport à son propre écosystème Car Easy Apps), Honda, Mazda et Subaru, seraient intéressés. Ce système a remporté aussi l'adhésion de QNX et UIEvolution.


Est-ce que pour autant ces marques vont tourner le dos à Apple et Android (comme par exemple PSA et Honda) ? Je ne le pense pas. Il faut rappeler qu'il existe d'autres standards pour répliquer l'affichage des smartphones et bénéficier à bord d'applications. Je pense bien sûr à MirrorLink que Volkswagen soutient toujours (et qu'il présente au CES en version sans fil 1.2 Miracast). Il y a aussi MySPIN de Bosch, que Jaguar Land Rover est le seul à utiliser pour le moment parmi les grands constructeurs.



En vérité, les standards reflètent les rapports de force. Au niveau planétaire, CarPlay et Android Auto sont incontournables et pour sans doute quelques années. Mais en Chine, il faudra compter avec Baidu (le Google chinois) avec lequel Audi a signé un accord pour intégrer son interface CarLife. Il faut par ailleurs prendre en compte la montée en puissance de l'Open Source, qui évite de lier son avenir à un OS propriétaire. L'alliance GENIVI annonce par exemple la sortie en 2016 de systèmes compatibles avec le logiciel libre sous Linux chez BMW, Hyundai, Jaguar Land Rover, Suzuki, ou encore Volvo. Précisons que Livio fait justement partie du consortium.


Alors, que penser de tout cela ? SmartDevice Link est juste une bonne idée de plus. Pas forcément LA solution, mais cela montre que les constructeurs n'entendent pas laisser les acteurs de la Silicon Valley en situation de monopole. Et c'est peut-être aussi pour cela qu'Apple a fait un geste en prévoyant l'intégration d'applications proposées par les constructeurs dans la version sans fil de CarPlay (que VW voulait aussi présenter au CES, mais ce qu'il n'a pas pu faire, en raison du refus apposé par la firme à la pomme).

Mais, la vraie motivation, c'est surtout la sécurité. Les constructeurs ne veulent pas que la mise à jour de software over the air ou le contrôle à distance de certaines fonctions du véhicule passe par des OS existants, très répandus certes, mais qui contiennent plein de bugs (hé oui...) et peuvent être craqués par des pirates. En ce sens, l'adoption de SmartDevice Link par Toyota et peut-être d'autres est un message très clair en direction de l'industrie de l'électronique grand public.