Alors que la France est frappée par une canicule précoce, et que la circulation différenciée par vignette Crit'Air a été mise en place dans plusieurs villes de France, l'événement vient du fait que le Haut Conseil pour le climat a critiqué la France, qui serait donc en retard dans ses objectifs pour le CO2. C'est une façon de tordre l'accord de Paris pour 2050 que, dans les faits, pas grand monde ne respecte vraiment. Le rapport remis par ce conseil pointe la faible électrification dans le transport. Mais, il plaide aussi pour la prise en compte des émissions dans l'aérien et le maritime pour le calcul du bilan carbone, et souhaite qu'un effort soit fait dans l'habitat.
Hier soir, j'ai été convié par France 24 pour commenter ce rapport dans une émission diffusée sur le canal en anglais.
Cela a été l'occasion d'évoquer quelques paradoxes. Le Haut Conseil pour le climat demande en effet de ne pas abandonner la taxe carbone - qui a provoqué le début de la crise des gilets jaunes - tout en demandant à ce qu'elle soit appliquée de façon moins dure. Pour ma part, j'ai expliqué que la plupart des primes à la conversion ont servi à financer des véhicules thermiques plus récents, et non des véhicules électriques. Il faut du temps pour convaincre les automobilistes de changer de mobilité. Et ils ne le feront que si c'est simple et évident (présence de bornes, temps de charge). J'ai donné aussi l'exemple de la Norvège, qui a mis en place des avantages basés sur l'usage (parking et charge gratuits).
Quand l'animateur m'a demandé si j'étais surpris que le marché du véhicule électrique soit à mois de 2 %, j'ai répondu non. Ce qui m'étonne par contre, c'est que certains puissent croire qu'on va passer de 2 % à 30 % en 10 ans, parce que l'Europe en a décidé ainsi. Contrairement à une idée tenace, il ne suffit pas de lancer des modèles zéro émission pour provoquer un raz-de-marée au niveau des ventes. Les modèles qui sortent sont chers et n'attirent pas les foules. Il y a donc potentiellement un risque pour les constructeurs automobiles qu'on oblige à investir massivement dans une solution qui, visiblement, séduit plus les politiques que les acheteurs. S'ils ne vendent pas ces modèles, ils seront à la fois pénalisés par des amendes et risquent en plus de perdre de leur leadership technologique.
Ce décalage entre les ambitions de la France et la réalité devrait inciter à plus d'humilité. C'est bien de se fixer des objectifs, et de vouloir donner l'exemple, mais le fait est que le monde n'est guère impressionné par la neutralité carbone de 2050. Pour information, je vais animer les conférences des RIVE (Rencontres Internationales des Véhicules Ecologiques) où la dernière table ronde va évoquer les conséquences en matière de production industrielle (et donc d'emplois) de l'électrification.
En résumé, une transition se prépare sur le long terme. C'est bien de l'initier. Il ne faut pas aller trop vite.