Ainsi donc, la marque à l'ovale vient de virer son PDG. En raison d'une baisse du cours de l'action de 40 %, Mark Fields a été dégagé après 28 ans de boîte par le board et Bill Ford. On ne sait pas trop si c'est parce qu'il a voulu entraîner trop vite le constructeur américain vers un nouveau métier d'opérateur de mobilité, si c'est parce qu'il n'a pas su expliquer sa stratégie, ou parce que tout simplement Ford a moins bien géré sa gamme...
Il n'est pas exclu que Bill Ford ait fait une grosse connerie, à un moment où les ventes stagnent aux USA et en Chine.
On peut reprocher à Ford d'être à la peine sur le véhicule électrique. Et ce, même si la marque a décidé d'investir des milliards pour accélérer son plan produit (13 produits en gestation). C'est par contre un acteur important sur l'hybride.
S'agissant du véhicule autonome, même si la presse évoque inlassablement Google et Tesla (parfois Apple, voire Uber), rappelons que Ford a une flotte de véhicules en test dans plusieurs Etats américains et s'est enrichi des partenariats qu'il fallait - dont celui avec Velodyne - pour sortir en 2021 un véhicule de niveau 4. C'est le pari que font aussi BMW et Volvo. On ne peut pas dire que Ford se soit trompé de timing.
Sur la voiture connectée, Ford a investi dans le système SYNC depuis 2007 (à l'époque de Mulally). Le constructeur a des millions de voitures équipées de télématique sur les routes. Ce n'est vraiment pas un acteur en retard dans ce domaine, contrairement à ce qu'on peut lire.
Avec le soutien de Bill Ford, Mark Field a porté une stratégie faisant clairement le pari de la mobilité intelligente. Là encore, la marque a mis en place un certain nombre de projets et a lancé des services comme Ford Pass. La mobilité partagée va dans le sens de l'histoire. Mais, pour gagner de l'argent, il faut savoir parfois prendre des risques et investir. La rentabilité n'est pas immédiate. Je trouvais ce pari courageux. Mais, les actionnaires se sont impatientés. Ce qui vient de se passer chez Ford va sans doute ficher la trouille à ceux qui dirigent les activités liées au digital et aux nouvelles mobilités chez d'autres constructeurs.
En fait, dans ce monde un peu dingue, on encense à la Bourse un type qui vend du vent (Elon Musk chez Tesla) depuis plus de 10 ans et on dézingue une entreprise du vieux monde parce qu'on pense qu'elle ne fera pas le poids face aux prétendants de la Silicon Valley.
Le plus drôle, dans l'histoire, c'est que le PDG est remplacé par le patron de la division Smart Mobility, qui couvre justement les véhicules autonomes et les nouvelles mobilités. Jim Hackett va donc reprendre le flambeau. Sa mission sera de redresser la barre en matière de résultats (en se concentrant sur la qualité et le plan produit), tout en poursuivant le développement en matière de technologies (intelligence artificielle, big data) et en s'assurant que les salariés de l'entreprise auront bien les compétences requises pour répondre à l'évolution du marché.
Jim Hackett est qualifié de visionnaire par Bill Ford, mais il a pour seul fait d'armes d'avoir dirigé une boîte de fourniture de bureau qui était appréciée par Steve Jobs. C'est un peu comme si on remplaçait Carlos Ghosn par le manager d'Ikea. Mais, Hackett sera épaulé par un pro de la distribution, Jim Farley. Quant à la division Smart Mobility, elle sera supervisée par une certaine Marcy Klevorn qui est une spécialiste des systèmes d'information.
Comme Google en son temps, qui a lancé entre temps Waymo pour faire du business après des années de recherche, Ford semble dire que la techno, c'est bien mais qu'il faut que ça rapporte.