vendredi 2 février 2018

Diesel : l'impossible débat

Hier, j'ai été contacté pour répondre à une interview dans le cadre de l'émission C dans l'Air. France 5 cherchait quelqu'un capable de pouvoir parler de voiture électrique, mais avec un discours réaliste et pointant les problèmes que l'électrification de masse pouvait engendrer. C'est pour cela que j'ai accepté. J'y reviendrai plus tard. Mais l'émission en elle-même portait en fait sur le Diesel, suite au "Monkeygate" et aux révélations portant sur l'utilisation de cobayes humains dans le cadre d'expérimentations auxquelles était lié (entre autres) Volkswagen. Et je dois dire qu'on a accumulé les lieux communs avec une légèreté qui m'a laissé pantois. Désolé de le dire, mais les intervenants n'étaient pas vraiment pas au niveau, à commencer par mes confrères qu'on a qualifiés de "spécialistes de l'automobile".

Pour faire le résumé rapide, tout le monde triche, le Diesel ça pue et pourquoi qu'on n'interdit pas le Diesel, hein, hein ? Comme je l'ai déjà dit dans un précédent post, on a atteint un tel niveau d'hystérie que, du moment où il y a "Diesel" et "Volkswagen", on obtient une polémique qui permet une fois de plus de critiquer les industriels. C'est devenu un peu l'équivalent pour Luc Besson de "une pute, un black, une Audi" pour ceux qui connaissent la vanne.

Donc, si on met de côté l'émotion légitime à propos des animaux et des cobayes humains, pour le reste, le pauvre téléspectateur a assisté à un festival de perles et de défonçage de portes ouvertes. Personne n'a été fichu de dire par exemple que si des français continuent d'acheter du Diesel, c'est que cette motorisation consomme 20 % de carburant au moins que l'essence, alignement de taxes ou pas. Plus grave, les fameux "spécialistes" n'ont pas su expliquer que le Dieselgate a fait évoluer la loi. Un nouveau cycle a été mis en place en septembre et l'Europe a a décidé de mettre en place une surveillance accrue. Avec une règle du jeu claire (un cycle plus réaliste, des tests pas seulement en laboratoire) et des organismes de contrôle qui devront être indépendants, tout le monde va pouvoir repartir du bon pied. Avant, c'était le flou à tous les étages.

Au lieu d'expliquer cela, on part du principe que tous les constructeurs mentent, y compris les français (tout cela parce que la DGCCRF s'entête à vouloir faire condamner PSA et Renault). J'ai eu du mal pour le pauvre Gilles Le Borgne de PSA, qui a entièrement raison quand il dit qu'il respecte la réglementation (et quand on le connaît, il doit s'en taper la tête contre les murs). Le drame, c'est que PSA est celui qui joue le plus la transparence, comme en témoigne la publication des consommations réelles de carburant (avec une méthode mise au point avec des ONG).

Mais, l'industrie auto devient inaudible. Et malgré de vrais efforts, les consommateurs vont se détourner encore plus de modèles avec des moteurs de dernière génération* (sauf les entreprises, qui en consomment beaucoup), à cause des allemands. VW aura décidément fait beaucoup de mal à la filière. Lui va s'en sortir. Mais, beaucoup de sous-traitants vont souffrir. A mon avis, les salariés de Bosch à Rodez vont hurler.

La bonne surprise de cette émission est qu'elle n'a pas versé dans l'optimisme béat qui prévaut d'habitude autour de l'électrique. Au contraire, j'ai pu expliquer dans mon interview qu'on ne pouvait pas à la fois vouloir sortir du nucléaire et passer massivement à l'électrification. Le réseau ne suivrait pas. C'est d' ailleurs une préoccupation qui a été pointée en Allemagne. Dans le sujet qui intégrait mon interview, les problèmes liés aux terres rares ont été bien cernés, de même que le trop plein de véhicules électriques en Norvège.

Il a été question aussi de l'hydrogène, que j'ai évoqué dans un passage non retenu pour l'émission. C'est bien que cette solution soit aussi mise en avant. Les gens d'Air Liquide, avec qui j'étais à Avignon, tout récemment, ont dû apprécier.

Avec réalisme, à la fin, il a été reconnu quand même qu'il n'y avait pas de solution miracle et qu'on n'allait pas remplacer du jour au lendemain les véhicules thermiques, et notamment les plus lourds. Mais, je persiste à dire que la télévision devrait veiller à prendre des experts qui savent de quoi ils parlent. Et hier, ils brillaient par leur absence.

*Dont il a été dit plusieurs fois qu'ils polluent plus. Là aussi, évitons de raconter n'importe quoi en faisant des amalgames et en partant du principe qu'il est arrivé à un Diesel propre. Les ingénieurs aiment relever des défis.