Ayant épuisé ce que je voulais partager sur Genève, il est temps à présent à de se consacrer à d'autres sujets. Je vais donc, bien évidemment, revenir sur ce que certains appellent déjà le Renaultgate, suite à des informations publiées dans la presse (Libération, Le Monde, AFP). Le document à charge rédigé à Bercy a été transmis de manière non officielle à quelques confrères. Son contenu, tel qu'il a été relaté, est troublant. Mais, est-on vraiment en présence d'un logiciel truquant les tests de dépollution comme chez Volkswagen ?
Sur ce blog, un post avait été consacré à la perquisition de la DGCCRF, en janvier 2016. Précisons que la Répression des Fraudes avait ensuite transmis ses conclusions au Procureur de la République en novembre dernier, ce qui a débouché sur la transmission de ce dossier au Parquet de Paris et à l'ouverture d'une information judiciaire pour tromperie, en janvier dernier.
La révélation du dossier de l'enquête a-t-elle un but précis ? Annonce-t-elle une éventuelle mise en examen ? Est-elle destinée au contraire à accélérer la procédure ?
En tout cas, elle a eu un effet immédiat : relancer la thèse que tous les constructeurs trichent. Un message que les médias (comme par exemple une équipe de France 2 dont la journaliste a affiché son hostilité au diesel d'entrée de jeu) ont essayé de faire dire aux experts qu'ils ont consulté. En vain. Pour sa part, Renault nie formellement et tient exactement le même discours depuis septembre 2015 (quand il s'est avéré que certains modèles rejetaient plus de NOx qu'ils ne devraient, dans le cadre de la Commission Royal).
Ce qui est intéressant, c'est de comparer avec l'affaire Volkswagen (la seule à ce jour, où un constructeur a reconnu avoir sciemment triché aux tests et avoir mené une fraude à grande échelle sur 11 millions de véhicules). Quand l'EPA notifie à VW ses soupçons de fraude le 18 septembre 2015, le groupe allemand réagit deux jours plus tard en déclarant prendre ces accusations très au sérieux. Et pour cause : il ne mettra que quelques jours à reconnaître les faits. Toute la chronologie des faits est disponible sur le site média international de Volkswagen pour qui sait chercher.
Dans le cas de Renault, alors que l'enquête de la DGCCRF dure depuis plus d'un an, la ligne de défense tient en trois points. 1- Renault respecte la législation française et européenne. 2- Les véhicules Renault ont tous et toujours été homologués conformément à la loi et aux réglementations en vigueur. 3- Les véhicules Renault ne sont pas équipés de logiciels de fraude aux dispositifs de dépollution.
Sur les réseaux sociaux, on compare Carlos Ghosn à François Fillon en raison de la ligne de défense de l'entreprise. Mais, le candidat à la Présidentielle n'a pas démenti les faits qu'on lui reproche, une nuance de taille.
Qu'est-ce qui fait que j'ai envie de croire, pour ma part, à un logiciel qui n'est pas de même nature, mais optimise plutôt les tests à l'homologation en exploitant une faille du réglement européen qui permet d'utiliser ce soft pour protéger le moteur dans certaines conditions ? Il se trouve qu'avant que n'éclate le Dieselgate de Volkswagen (après, cela aurait été plus troublant), Renault a fait savoir qu'il allait investir 50 millions d'euros pour améliorer le système de dépollution EGR (qui assure une recirculation des gaz). L'objectif de ce programme était de réduire significativement les écarts par rapport aux seuils fixés par la norme Euro 6.
Ce qui est vrai, c'est que depuis le mois de juillet 2016, l'EGR amélioré est déployé progressivement sur les voitures sortant des usines. Les modifications visent à élargir la plage de fonctionnement des systèmes EGR, et à renforcer le pilotage du NOx trap qui permet, en complément de l’EGR, le stockage et le traitement à intervalle régulier des oxydes d’azote. La fréquence et l’efficacité des purges sont augmentées, avec un système plus « robuste », afin de mieux prendre en compte la diversité des conditions de conduite. De quoi diviser par deux les oxydes d’azote sur la zone d’extension de l’EGR.
Et à partir d’octobre 2016, les clients déjà en possession d’un véhicule diesel Euro 6 ont été invités à bénéficier, sans frais, de ces évolutions via un simple passage dans le réseau. Un courrier leur avait été adressé en ce sens.
Autre fait à rappeler : en janvier 2016, le Captur diesel (l'un des modèles incriminés par la Commission Royal) avait fait l'objet d'un rappel afin de corriger une erreur logicielle de calibration du contrôle moteur. Le problème ne concernait, selon la marque, que 15 000 véhicules (en version dCi110) produits entre février et début septembre 2015.
On ne peut donc pas dire que Renault n'a rien fait et que le constructeur ne se soucie pas de la pollution. Et ce, même si son système de dépollution est notoirement moins performant que les autres.
Rappelons aussi que ans le même temps, Renault poursuit un programme d’investissements d’un montant d’1,2 milliard sur cinq ans dans la R&D, conjointement avec son partenaire de l'Alliance Nissan, pour développer des moteurs diesel plus performants.
Mon but n'est pas de défendre le soldat Renault, et encore moins son Général, mais les amalgames (CO2 confondus avec les NOx) et la méconnaissance des médias sur ces problèmes techniques m'amènent à apporter ces éclairages.
Si tromperie il y a eu, et qu'elle fait l'objet de preuves incontestables, ce sera à Renault d'en assumer les conséquences devant la justice. En attendant, rien ne permet pour l'heure d'affirmer que le losange a triché comme VW.