vendredi 23 mai 2014

Rouler moins pour polluer plus : le plan "anti-pollution" de Paris

Les médias parlent beaucoup du fameux plan anti-pollution que l'adjoint aux transports de la nouvelle maire de Paris, Anne Hidalgo, a concocté pour améliorer la qualité de l'air. Au-delà du remplacement symbolique des bus diesel par des véhicules hybrides ou au gaz (ce que la RATP avait de toute façon prévu) et d'un coup de pouce à la voiture électrique (déjà largement répandue avec Autolib'), dont les (très faibles) ventes s'effondrent par ailleurs, l'objectif clairement avoué est de cibler le diesel. Et de bannir tant qu'à faire l'automobile.



On ne peut être que consterné par le débat actuel sur le diesel. Au lieu d'encourager le renouvellement du parc, en remplaçant les véhicules non filtrés par des véhicules plus récents, on condamne en bloc. L'idée est donc d'interdire la circulation des véhicules censés êtres les plus polluants. Et comme les médias n'y connaissent rien, et ne font pas preuve d'une grande curiosité (c'est tellement facile de repomper les chiffres qui circulent sans se préoccuper d'où ils viennent), on entretient l'idée que le diesel va disparaître. Ce qui n'est pas du tout le cas, non seulement en Europe mais dans bien d'autres pays dans le monde. Rappelons simplement que la norme Euro 6 met le diesel au même niveau que l'essence au niveau de la pollution pour les voitures neuves.


Mais, revenons au plan pour Paris. La mesure la plus contradictoire est l'abaissement de la vitesse à 30 km/h en ville : une action présentée comme un levier pour réduire la pollution.


Pas de chance, c'est le contraire qui va se produire. Comme le rappelle l'universitaire Jean-Paul Morin, spécialiste des questions d'environnement à l'INSERM, en s'appuyant sur des études du SETRA*, l'abaissement de 50 à 30 km/h va augmenter de 50 % les émissions de particules. Quant au CO2, l'addition va se payer par 33 % d'émissions en plus. Pourquoi ? C'est entre 0 et 30 km/h qu'un moteur fonctionne le plus mal, et en particulier sur les véhicules diesel où le filtre ne peut pas monter en température. En conséquence, on va polluer encore plus à Paris. Il y aura même une double peine, car les utilisateurs de diesel seront tentés de céder au défapage (la suppression du filtre à particules) : une pratique très grave pour la santé, et contre laquelle les pouvoirs publics ne peuvent rien pour le moment. Autant de talent mérite un coup de chapeau.


A ce propos, rappelons que la ville avait déjà obtenu sous Delanoë l'abaissement de la vitesse à 70 km/h sur le périphérique. Une mesure qui a permis surtout d'augmenter le nombre de flashes de radars. Le bilan sur la pollution ? On n'entend rien à ce sujet, mais Jean-Paul Morin souligne que l'impact est nul, tant pour les NOx que pour les particules. Ce qu'avait en son temps l'ADEME également.


Le plus drôle : la mairie de Paris veut offrir un an de gratuité pour les transports en commun, afin d'inciter les habitants à se débarrasser de leur voiture diesel. C'est justement... dans le métro que l'on rencontre le plus de particules. Jusqu'à 4 fois plus que dans la rue, comme l'ont montré des mesures d'Airparif et de l’Observatoire régional de la santé (ORS). La RATP propose d'ailleurs un espace sur son site pour s'informer à ce sujet : http://www.ratp.fr/fr/ratp/r_6167/la-qualite-de-lair-dans-les-espaces-souterrains/. Au-delà de ce point de détail, les transports en commun sont déjà saturés à Paris.

De toute façon, la mairie de Paris dépend du bon vouloir du gouvernement. Et il sera curieux de voir si Ségolène Royal, qui n'a apparemment pas l'intention de pratiquer une écologie punitive, donnera son aval aux restrictions de circulation.

*Service d'études sur les transports, les routes et leurs aménagements, rebaptisé depuis le CEREMA.