mardi 3 décembre 2019

Bruno, les SUV et l'électrique

J'ai suivi à distance la journée de la filière automobile qui se déroulait à Bercy. Elle était organisée par la PFA et avait pour objectif d'aider les 4 000 entreprises du secteur à relever les défis d'une industrie en pleine mutation (électrification, digital, véhicule autonome...). Comme à son habitude, le ministre de l'Economie n'a pas manqué de souligner qu'il "aime la voiture"* et que pour lui c'est "la liberté". Pourtant, Bruno Le Maire s'en est pris au SUV hier et a annoncé qu'il comptait déplafonner le malus pour créer deux fonds de soutien aux sous-traitants automobile**. Les amateurs de grosses voitures vont donc passer à la caisse, les recettes étant estimées à 50 millions d'euros.

 Le ministre a prévu de déposer un amendement pour prolonger la progressivité du malus à partir de 173 g dans la grille NEDC (applicable en janvier et février 2020) et de 201 g dans la grille WLTP (applicable à partir du 1er mars 2020). Sur ce coup là, on ne peut pas accuser le gouvernement d'un manque de cohérence. Tant qu'à faire payer les français sur le CO2, autant que tout le monde prenne sa part. Et il est vrai qu'on peut difficilement justifier un plafonnement pour les très gros véhicules (ou très puissants), alors que les plus modestes doivent payer entre 50 et 190 euros dans la tranche entre 110 et 116 g. Dans les faits, le plafond est de 12 500 € après 172 g, que le véhicule en rejette 250 ou 300 g.

En tout cas, cette politique agressive ne sera pas sans conséquences. Ainsi, alors que Renault vient de dévoiler la nouvelle version de l'Espace, il est acquis que ce modèle-phare de la gamme n'aura pas de remplaçant. Trop gros et trop de CO2 mon fils... De la même façon, des modèles tels que la Talisman, le Koleos, ou encore le Grand Scenic seraient sur la sellette. Le groupe PSA aura sans doute des décisions difficiles à prendre lui aussi, car sa gamme est constituée de pas mal de SUV (dont certains électrifiés).

L'industrie doit aller à marche forcée vers l'électrification. Le point de convergence devrait arriver d'ici 2022 ou 2023, en raison du prix des batteries. Le VE serait alors au même prix qu'un modèle thermique, mais sans pour autant offrir une autonomie équivalente et avec un temps de charge qui se comptera toujours en heures. D'autre part, Luc Chatel n'a pas manqué de pointer avant la journée d'hier le manque de bornes. Il n'y en a que 28 000 alors que l'Etat s'est engagé sur 100 000 en 2022. Un objectif que Bruno Le Maire estime pouvoir être atteint (sans dire comment il va faire). Seule consolation pour la filière : la ministre de l'Ecologie, Elisabeth Borne, devrait annoncer un calendrier des primes qui seront versées pour les véhicules électriques sur une période d'au moins trois ans.

*Je me souviens d'une conférence que j'ai animé en sa présence et où il m'a dit qu'il aurait adoré être journaliste automobile.
**La chute du Diesel pourrait entraîner 35 000 suppressions de postes. Un fonds serait destiné à accompagner la transition écologique, l'autre pour garantir des prêts