mercredi 31 octobre 2012

Comment organiser la filière française pour le véhicule de demain ?


Le Conseil Economique Social et Environnemental vient de publier un avis sur la filière française de l'automobile. J'ai décidé de vous présenter trois extraits, un premier concernant l'organisation de la recherche, le second sur les thématiques à privilégier pour le véhicule du futur et le troisième sur le recyclage. En ce qui concerne les investissements pour le véhicule de demain, le conseil met en perspective la puissance financière d'un Volkswagen (qui vient d’engager un plan de 12 milliards d’euros par an pour les cinq prochaines années) face à Renault et PSA qui, ensemble, ont dépensé 4,5 milliards d’euros pour 2012. Ca en dit long sur les enjeux et sur la nécessité de dépenser mieux à défaut de dépenser plus.



La première proposition est de pérenniser le Crédit d’impôt recherche. Toutefois, le conseil souhaite une évaluation pour s'assurer du maintien effectif de la recherche sur le sol national. Pour en optimiser l’impact, l’idée est aussi de se concentrer sur les PME et sur les secteurs exposés à la concurrence internationale. Le CESE préconise également la contractualisation des aides fiscales liées au niveau de la masse salariale et des investissements de recherche, du développement de l’emploi et de la préservation de l’environnement.


La seconde idée phare est de développer et mettre en réseau les pôles de compétitivité dédiés à la mobilité. Deux d’entre ces pôles sont à vocation mondiale (I-Trans et Movéo), trois ont une vocation nationale (ID4CAR, Lyon Urban Truck & Bus, Véhicule du futur). Pour dépasser les clivages industriels et territoriaux, le conseil propose une mise en réseau des pôles automobiles travaillant sur des thématiques proches, avec des infrastructures communes d’informations sur les programmes en cours, ainsi qu'une meilleure agrégation sur le plan local des différents acteurs (sous-traitants, services) afin de fédérer la filière.


En matière de recherche, l'exemple à suivre est le projet « VeDeCoM » (véhicule décarboné communicant et sa mobilité), associant en région parisienne les collectivités locales, le monde universitaire, les organismes de recherche et les centres techniques, de grands groupes industriels et des PME à l’initiative du pôle de compétitivité Movéo et des instances de la plateforme automobile. Préfigurant une logique moderne d’investissements, ce type d’appel à projet est susceptible selon le conseil de représenter des possibilités de création et de reconversion d’emplois dans la filière sur des axes à forte valeur de différenciation dans la compétition internationale. Il est ainsi nécessaire d’en accélérer la réalisation opérationnelle et d’assurer la pérennité de son financement.


Il convient, d’une manière générale, d’éviter la dispersion des projets et des moyens. Seule une démarche coordonnée au niveau national - notamment dans le cadre de la Plateforme de la filière automobile (PFA) mise en place depuis 2009 (à condition que tous les acteurs de la filière en soient membres) - permettra à la filière d’être en capacité de défendre ses projets au niveau européen, par exemple sur les « technologies clés génériques » de l’Union comme les matériaux avancés et de préparer les sauts technologiques. C’est tout l’enjeu de l’instauration d’une gouvernance de la R&D de la filière française : l’objectif doit être, pour les acteurs et l’État, de constituer une force de frappe efficace s’appuyant sur une vision stratégique partagée et mobilisatrice.


Par ailleurs, il faut s’inscrire dans une stratégie européenne. Alors qu'à l’échelle communautaire, l’automobile représente aujourd’hui 25 % de la R&D privée, l’aéronautique - qui ne représente qu’environ la moitié de l’automobile en R&D - capte cinq fois plus d’aides européennes. Elle a simplement su organiser son développement autour de perspectives stratégiques partagées avec les autorités publiques nationales et communautaires. La France doit donc se mobiliser, à la fois pour préparer le 8ème Programme cadre de recherche et de développement, mais aussi pour mener à bien des projets essentiels devant aboutir à l’usine du futur basée sur l’éco-efficience et sur les techniques de la robotisation et de l’ingénierie virtuelle, en profitant de la dynamique créée par Eucar (European Council for Automotive Research & Development), la structure de recherche créé en 1994 et qui regroupe les 14 principaux constructeurs européens.


Enfin, le CESE souhaite protéger la création, qui est indispensable à l’innovation, à la différenciation et à la compétitivité de la filière automobile française et européenne. "La propriété intellectuelle est un levier et non un outil de la concurrence", écrit le conseil qui fait remarquer que ce type de protection existe en Allemagne, au Japon, en Corée et dans les BRIC. Mais, on touche là à l'épineux problème du monopole des constructeurs sur les pièces couvertes par des droits de dessins et modèles. Le conseil plaide pour une meilleure répartition des droits entre les constructeurs et les équipementiers, au bénéfice collectif de la filière elle-même et des consommateurs.
La prochaine fois, je parlerai du véhicule du futur.