Allons-nous rouler demain avec du biocarburant produit à partir des algues ? Selon IFP Energies Nouvelles, plus d’une centaine de sociétés dans le monde sont actives dans ce domaine. Il ne s'agit pour le moment que de travaux expérimentaux, mais on trouve dans le lot des groupes pétroliers qui ont récemment lancé des projets à grande
échelle, comme ExxonMobil, Shell, ENI, ou encore Chevron. Rien qu'aux États-Unis, plus d’une trentaine de compagnies
expérimentent les différentes approches pour cultiver et convertir les algues en carburant. La plupart envisagent de produire du biodiesel à partir de microalgues lipidiques*, d'autres se concentrant sur l'éthanol. Le potentiel est là, car selon un rapport du Département américain de l'Energie, les micro-algues pourraient à terme remplacer environ 17 % des importations pétrolières américaines.
Pour Riggs Eckelberry, PDG de la firme américaine Originoil, le carburant tiré des micro-algues pourrait être produit pour seulement 2,28 dollars le gallon (soit environ 0,46 euros le litre). Soit, près de deux fois moins que le prix actuel à la pompe. Originoil est une des sociétés aux Etats-Unis, avec Sapphire Energy, dans laquelle Bill Gates a investi, et qui ont mis au point des technologies d'extraction rentables du carburant produit par ces micro-organismes marins. Si le pétrole bleu" se destine d'abord aux militaires et au transport aérien, il pourrait concerner dès le début des années 2020 la grande consommation avec l'automobile.
Comparativement aux autres sources de biocarburant, ces micro-organismes sont beaucoup plus productifs, avec un rendement virtuel à l'hectare allant jusqu'à 25 000 litres contre 6 000 litres pour l'huile de palme, la plus productive actuellement en exploitation. Contrairement aux bio et agrocarburants issus de céréales ou d'oléagineux, la production de biocarburant à partir micro-algues n'a aucun impact sur la production alimentaire. Mais surtout, ces micro-organismes unicellulaires se développent très rapidement dans l'eau salée de l'océan.
En France, des travaux sont également menés dans ce domaine. Par exemple, le Pôle Mer de la région PACA mène le projet Salinalgue. Les zones littorales humides du sud de la France présentent un écosystème et un environnement particulièrement favorables au développement de l’algoculture. L'objectif est de cultiver une microalgue native (Dunaliella salina) à grande échelle en milieu ouvert sur des salines inexploitées et son bioraffinage afin de commercialiser différents bioproduits dont un biocarburant de nouvelle génération ayant de hautes performances en termes de rendement de production à l’hectare et de réduction d’émission de gaz à effet de serre (GES). A l’issue du projet, une industrialisation progressive sur 6000 ha est prévue à partir de 2015.
Toutefois, le procédé de transformation doit faire la preuve de son modèle économique. L'huile est extraite des algues selon différents méthodes (centrifugation, traitement au solvant, lyse thermique, etc.). Ensuite, il faut la convertir en biocarburant avec les mêmes procédés que ceux utilisés pour les huiles végétales classiques :
- la transestérification, qui fait réagir l'huile algale avec du méthanol ou de l'éthanol, produit un ester d'huile algale ou biodiesel, comparable à celui obtenu à partir des autres types d'huiles végétales. Il peut être mélangé au gazole en proportion limitée à une dizaine de pourcent volume.
- l'hydrogénation catalytique qui fait réagir l'huile en présence d'hydrogène, suivie d'un hydrocraquage, produit des hydrocarbures qui peuvent être incorporés en quantité importante au gazole ou au kérosène.
La filière est prometteuse. Mais, le plein d'algues à la pompe n'est pas encore pour demain matin.
*riches en huile