Rappelons d'abord aux égarés qui entretiennent ces débats stériles que la voiture à hydrogène est d'abord et avant tout une voiture électrique. Elle génère du courant électrique à partir d'un carburant stocké sous forme gazeuse et qui est transformé sous l'action d'une pile à combustible. Les avantages viennent d'un temps de remplissage court et d'une autonomie supérieure (plus de 600 km et bientôt 1 000 km).
Certes, la voiture à batterie fait des progrès. Et tant mieux, vu les milliards qui ont été investis dans ce domaine depuis plus de 10 ans. Néanmoins, et malgré les annonces sur les batteries à électrolytes solides, ces dernières n'arriveront pas tout de suite et il y aura toujours un problème de temps de recharge pour les grands trajets. Les Porsche ne pourront pas tout le temps et partout refaire le plein en 15 mn de leur batterie de 800 v sur des chargeurs de 350 kw. Accessoirement, on peut aussi se poser des questions sur les contraintes pour amener le courant jusqu'aux bornes ultra rapides. Et je ne parle même pas des méga-chargeurs pour les camions, qui posent encore plus de problèmes.
On me rétorquera qu'il n'existe que très peu de stations (685 dans le monde). C'est vrai, mais il y a une accélération indiscutable. On peut faire le plein dans plus de 30 pays. Et ce qu'on peut observer, du moins quand on fait l'effort de s'informer, c'est qu'il y a une volonté manifeste dans le monde de développer cette forme d'électrification. Il y a des pays comme l'Espagne et le Chili, sans parler de l'Arabie Saoudite ou du Qatar, de mettre à profit leur énergie solaire pour générer de l'électricité verte et assurer ainsi une électrolyse pour faire de l'hydrogène vert à 1,50 euros le kilo.
Cet hydrogène pourrait arriver jusqu'à chez nous par les infrastructures déjà existantes pour le gaz. Eh oui, l'hydrogène peut se mélanger au gaz naturel. L'hydrogène vert peut à la fois venir de loin (l'Ukraine avait été vu comme un partenaire potentiel de l'Europe dans le cadre de son plan hydrogène vert 2 x 40 GW) ou être produit localement. Qu'on le veuille oui non, oui c'est possible de faire de l'hydrogène renouvelable et localement. Et si ce n'est pas à partir du soleil ou du vent, il existe des alternatives comme la biomasse. Haffner Energy, une PME de la Marne, est sur ce créneau. J'ajoute que la volonté, en France, est de produire massivement dans de grands bassins industriels (notamment les ports) et de mutualiser ensuite les points de distribution pour répondre aux besoins de l'industrie et de la mobilité (de la voiture au train, et peut-être un jour l'avion).
Pour en revenir à l'auto, ce que disent les acteurs impliqués dans l'hydrogène (Bosch, Faurecia, Plastic Omnium avec ElringKlinger, et vous verrez que Valeo va y venir aussi), c'est que le marché va démarrer par la mobilité lourde. L'hydrogène est pertinent pour les utilitaires (Stellantis et Renault y vont, Hyundai aussi), les bus et les camions. Et la production va servir à faire de la grande série et à lancer les économies d'échelle. D'ici la fin de la décennie, la technologie sera plus abordable et on verra des véhicules hybrides (le constructeur fixant ensuite le curseur pour la taille de la pile et des batteries).
Mais, il y a un autre élément à prendre en compte : c'est celui de la combustion de l'hydrogène directement dans le moteur thermique. Cette voie, explorée dans le passé par BMW et Mazda notamment, a fait beaucoup de progrès. Et il y a énormément de projets. Cela concerne aussi bien l'automobile que le camion et le bateau. je ne sais pas si c'est l'avenir, mais je note que Toyota teste le procédé en compétition et que Renault va dévoiler un concept reprenant cette technologie. Le sujet est très chaud pour le Dakar et peut-être même pour les 24 h du Mans. Et si ce n'est pas de façon directe, l'hydrogène servira à produire des carburants synthétiques comme le fait déjà Porsche avec Siemens au Chili. Les e-fuels sont poussés par l'Allemagne dans l'auto et ce type de carburant a aussi sa place dans les bateaux et les avions.
En résumé, il va bien y avoir une coexistence et une complémentarité entre l'électrique à batterie et l'hydrogène. Comme c'est un domaine que je suis de près, et avec des connaissances que n'ont visiblement pas les "experts" qui ne jurent que par la batterie, je le redis : vouloir opposer ces deux voies n'a pas de sens. je préfère donner l'exemple d'Alejandro Agag. Le créateur de la Formule E (monoplaces électriques) ne s'interdit pas d'introduire à terme l'hydrogène. Et il a pris la décision de créer le championnat Extreme H avec des buggys à hydrogène, avec des courses qui auront lieu les mêmes week ends que l'Extreme E avec batterie.
L'électrique à batterie a fait la preuve de sa pertinence pour le vélo, le scooter et l'automobile. Cela n'empêche pas l'hydrogène d'investir à son tour le vélo (avec le français Pragma Industrie, le franco-suisse Stor-H), les utilitaires, les SUV et même pas mal d'engins (autocars, tracteurs, camions, dameuses, balayeuses, bennes à ordures) par le biais du retrofit. Les clients trancheront, en fonction de leurs besoins et des spécificités de leur territoire.
Mais non, la batterie ne fait pas tout. Et l'hydrogène va aussi servir aux énergéticiens pour stocker l'électricité issue d'EnR, pour des mois, voire des années. Une fois qu'on a compris tout ça, on raconte déjà beaucoup moins de bêtises.