dimanche 14 février 2021

Pauvre Herbert... Que Volkswagen le veuille ou non, l'hydrogène est déjà là

Le PDG du groupe Volkswagen s'époumone à dire tout le mal qu'il pense de l'hydrogène. Il a le droit de ne pas y croire. Mais de là à invoquer la science... C'est pourtant ce qu'il a déclaré dans un tweet* en date du 11 février. Il demande aux politiques "d'accepter la science", avec un argument d'une faiblesse assez inouïe. Selon lui, "l'hydrogène vert est nécessaire pour verdir la production d'acier, le secteur de la chimie et le secteur aéronautique". Et "il ne devrait pas finir dans des voitures". D'ailleurs, dit-il, "il n'y a pas de voitures à hydrogène en vue". Il devrait en parler à Hyundai, Toyota, PSA, Renault, BMW, General Motors et les constructeurs chinois qui ont déjà pris cet engagement. Faut-il y voir le déni de la part d'un groupe qui a misé sur une seule technologie, la batterie, dont les gens sérieux et bien informés savent qu'elle ne pourra pas tout faire ? 

Bon, on va essayer de comprendre ce que Herbert la science a voulu dire. Déjà, je ne vois pas très bien ce qui empêche l'hydrogène d'être appliqué à la mobilité, en plus de l'industrie. Et c'est d'ailleurs ce qui va arriver. Si le PDG de Volkswagen a peur qu'on manque d'hydrogène vert, il devrait lire un peu plus les sites spécialisés. Il saurait ainsi que les excédents en matière d'énergie renouvelable en provenance d'Espagne et du Maghreb vont fournir une très abondante matière première. C'est d'ailleurs le sens de l'initiative 2 x 40 GW de l'Union Européenne par exemple. Tout récemment, des énergéticiens de plusieurs pays (Allemagne, Espagne, France, Italie) ont décidé de réunir leurs efforts dans le cadre de la coalition HyDeal Ambition. 

Ensuite, M. Diess affirme que c'est "trop cher", "inefficace"', lent" et "difficile à transporter". Si on peut lui donner raison sur le prix, aujourd'hui (on en reparle avant 2030...), le reste donne matière à débat. On peut également ergoter sur le rendement de l'électrolyse, mais si on part d'une énergie qui est gratuite, l'argument ne tient pas vraiment. En fait, il n'y a pas grand chose qui tient dans ce que dit le PDG de Volkswagen. Le sens de l'histoire, ce n'est pas un hydrogène qu'on transporte, mais qu'on produit localement. Et la production locale, elle peut se faire à partir de l'éolien du solaire, de la biomasse (chanvre, bois), voire du gaz issu de déchets ménagers ou de l'agriculture. Le stockage peut ensuite se faire en sous-sol, comme dans les cavités salines par exemple.

Ce que ne comprennent pas les détracteurs de l'hydrogène, c'est qu'il y a une multitude d'écosystèmes qui se mettent en place. Si on prend le cas de la France, les énergéticiens (Air Liquide, ENGIE, Total, EDF) commencent à investir dans de grands projets de production de masse d'hydrogène vert. Et cet hydrogène sera ensuite utilisé à la fois dans l'industrie et la mobilité (autos, bus, camions, bateaux, voire en temps voulu les avions). Et des points de distribution vont éclore un peu partout dans les territoires, en se structurant autour de pôles comme les ports et les aéroports par exemple. Partout en Europe, on assiste à une vague en faveur de l'hydrogène vert.

C'est d'ailleurs pour cette raison aussi que les entreprises qui évoluent dans ce business flambent en bourse.

En comparaison, le temps de recharge des voitures à batteries reste un problème. A moins d'investir dans des bornes ultra rapides (dont le nombre sera de toute façon très limité), il faudra toujours beaucoup de temps pour refaire le plein. Et quand on commencera à avoir des files d'attente l'été devant les bornes sur l'autoroute, on va très vite toucher du doigt la réalité. Le PDG de VW demande d'ailleurs à l'Europe d'investir en fixant un objectif d'un million de points de charge publics en 2024 et trois millions en 2029. Quand on voit la situation en France (où il y a 30 000 bornes alors que l'engagement de l'Etat est d'en avoir 100 000 d'ici la fin de l'année...), on se dit qu'on n'est pas encore arrivé à Loches.

La sortie de M. Diess est vraiment risible. Certes, les constructeurs qui proposent des voitures sont sans doute partis trop tôt. Mais, ils maîtrisent la technologie et comptent vendre leurs piles dans d'autres secteurs de la mobilité, et en particulier le transport lourd** où la demande est là. Les équipementiers, qui ont une vue mondiale de la situation, estiment qu'avant 2030 la voiture à hydrogène sera aussi compétitive que son équivalente en Diesel.

N'oublions pas que la voiture électrique à batterie vit sous perfusion depuis plus de 10 ans et qu'elle reste toujours chère. J'ajoute que de la part d'un constructeur qui continue à être condamné à travers le monde pour le Dieselgate, on pourrait s'attendre à plus de décence.

Visiblement, les autorités allemandes n'ont que faire de l'avis du PDG de Volkswagen. Elles ont décidé d'un plan sur l'hydrogène d'un montant de 9 milliards. Et Berlin est à la manoeuvre sur un Airbus de l'hydrogène calqué sur celui des batteries. 

En fait, ce ne sera pas ou la voiture électrique à batterie ou la voiture à hydrogène, mais les deux. Tout la question est de savoir si Herbert Diess est de mauvaise foi parce que le groupe n'a pas la compétence, ou si c'est vraiment une erreur stratégique.

*Le patron de VW s'est mis sur Twitter récemment.

**Filiale du groupe VW, Scania a décidé d'abandonner l'hydrogène et de se focaliser sur la batterie. Un choix plutôt à contre-courant....